Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le deal à ne pas rater :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : où l’acheter ?
Voir le deal

 

 L'innocente... Ne le restera plus longtemps.

Aller en bas 
AuteurMessage
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyDim 8 Nov - 18:32

L'innocente
Ne le restera plus longtemps...
L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Kyra210


L e caprice d’une légère brise de printemps fit céder au cerisier l’un de ses précieux pétales blancs. Parcourant un ciel bleu dégagé, le doux souffle voyagea candidement vers une main qui lui arracha son trophée. Ainsi soit-il. En guise de vengeance, le courant d’air choisit alors de s’attaquer aux narines du malotru en lui chatouillant le nez.

Le poing fermé devant le bout de son nez qui la grattouillait, Kyra éternua. Clignant des yeux par réflexe, le noir intense de ses pupilles se mirent à scruter la foule rassemblée autour d’elle quand elle les ouvrit de nouveau.
Un silence pesant régnait dans l’arène encadrée par de hauts piliers massifs artistiquement décorés. Le plafond qu’ils suspendaient comportait une douve trapézoïdale s’expatriant vers une plus grande hauteur encore. Vu de l’extérieur, le toit représentait le heaume des anciens combattants au sabre de Kaminoi. Kyra avait toujours pensé qu’ils devaient avoir l’air ridicule si l’on se fiait aux croquis que ses précepteurs lui montraient en éducation militaire.
Son regard s’attarda un moment sur le seul homme assis de la flopée de gens visiblement curieux. Elle reconnu son père qui n’affichait pas la moindre expression sur son visage.
Kyra ne le savait pas, mais la main concentrée que Maitre toki posait devant sa mâchoire camouflait le sourire franc de toute la fierté qu’il ne pouvait s’empêcher d’éprouver à l’égard de sa fille.
Les pulsations du cœur de l’adolescente accélérèrent. Son père serait intransigeant. La démonstration qu’elle devait mener était capitale pour sa succession ainsi que pour gagner le respect et la loyauté de ses futurs sujets.

_Que le premier duelliste avance d’un pas ! Ordonna la voix portante d’un homme chauve quand Maitre toki lui fit un bref signe de la tête.

Kyra sursauta en scrutant le bout de l’arène sur sa gauche. Comme on le lui avait apprit, elle releva la tête, bomba le torse en tirant les épaules vers l’arrière et garda ses bras tendus le long des hanches.
Malgré les vêtements amples dont elle était vêtue, cette position faisait ressortir le contour d’une poitrine trop volumineuse pour son age. A quatorze ans, Kyra possédait déjà le corps d’une femme et elle détestait ça. Vêtements amples, cheveux courts et coupe à la garçonne pour mieux camoufler sa féminité, l’adolescente complexait de l’image que les regards avaient l’habitude de lui renvoyer. Masquer ce qu’elle était ne lui plaisait pas pour autant, c’est pourquoi elle se ressaisit aussitôt en augmentant la pression de ses poings fermés -dont l’un d’eux emprisonnait toujours le pétale blanc.
La série de duels auxquels il lui fallait ressortir victorieuse serait une excellente occasion de s’affirmer. Bien sur, se disait-elle dans un sursaut de lucidité pessimiste, encore fallait-il effectivement les remporter.

De par son jeune age, Kyra avait pourtant déjà essuyé trop de combats. Victorieux ou non. Elle suivait un entraînement intensif aux différents arts martiaux depuis le jour où ses jambes acquirent la compétence de l’équilibre.
Maintenant que seule la force figée des Déesses de pierre maintenait Kaminoi au dessus des eaux d’Ekarys, Maitre toki avait redoublé d’arguments pour encourager sa fille à devenir plus forte que lui. Kyra se doutait que toutes les excuses étaient bonnes, même si elle était certaine que les événements dont elle cauchemardait encore régulièrement avaient grandement influencés son père.
Le nouveau Kaminoi dans lequel ils se trouvaient était bâtit sur l’île de Tecil, et Kyra avait pour exercice final de le diriger.

L’homme qui lui faisait face venait d’enjamber la haute marche de l’arène et avança d’un pas. Un trait sournois barrait le bas de son visage comme il souriait avec l’arrogance de l’animal le plus haut placé sur la chaîne alimentaire. Musclé -Kyra avait connu pire- le visage déformé par un rictus, il portait l’armure légère d’un maître du combat à mains nues. L’homme tenta d’impressionner l’adolescente en plongeant son poing droit dans la paume de sa main gauche. Un son métallique se fit entendre sous la pression des gants s’entrechoquant.

_Retirez vos mitaines d’acier maître Teia. Somma de nouveau l’homme chauve à la carrure d’un bison. Cette première joute se déroulera sans armes aucune.
Celui-ci, Kyra glorifiait le destin de ne pas le lui avoir octroyé comme adversaire.

Le premier duelliste fit une mine faussement attristée en jetant vulgairement ses mitaines d’acier au sol. Il faisait ainsi comprendre à la foule qui le fixait à quel point leur usage ne lui serait d’aucune utilité contre cette adolescente.
Kyra se demandait pourquoi cet homme faisait preuve d’autant d’artifices pour se mettre en valeur. Soit il ne la prenait pas au sérieux, soit il était profondément stupide. Les faibles usent toujours d’artifices exagérés pour combler le vide. C’est grâce à l’expérience au combat déjà accumulée que l’adolescente se permettait de philosopher comme un homme expérimenté.
Le fixant d’un regard qui ne trahissait aucune pensée, elle continuait d’étudier son adversaire. Quand on lui en donna l’autorisation, Teia avança au centre de l’arène avec une assurance antipathique. Rien dans sa démarche ne laissait envisager une quelconque blessure à exploiter. En revanche, Kyra fut surprise de constater que maintenant l’homme à courte distance, il semblait n’être âgé au maximum que de cinq ou six ans son aîné. Son visage n’était pas complètement déplaisant à présent que toute grimace avait disparu de ses traits. La coiffure négligée de ses cheveux châtain semblait même avoir été inventée pour ses yeux clairs. L’homme la toisait deux têtes au dessus de la sienne avec le regard froid de la vipère des bois. Ainsi, lui aussi était fin prêt et concentré.
Ils se saluèrent sans jamais se lâcher du regard.

Un nouveau rictus qui n’avait rien à faire là déstabilisa soudainement Kyra. Elle connaissait ce genre de sourires qui la faisait détester les garçons. A chaque fois c’était la même chose. Les souvenirs rejaillissaient douloureusement comme un volcan frustré de toute la pression accumulée, ne laissant que de la cendre sur son passage cataclysmique.
Kyra espéra alors en son fort intérieur que Teia ne possédait pas de coquille afin de lui faire ravaler la perversion qui voilât son regard l’espace d’un instant presque imperceptible. Presque, car jamais elle n’oublierait le jour où il fut gravé pour toujours dans sa mémoire.

Un coup d’œil instinctif sonda la foule comme les cauchemars de la mémoire de Kyra attaquaient cette zone défensive dans laquelle elle les emprisonnait.
Comme elle sentit soudainement une dangereuse moiteur dans ses mains qui risqueraient de lui coûter une saisie manquée, Kyra relâcha la pression de ses poings afin de les faire prendre l’air. Le pétale de cerisier s’échappa alors d’entre ses doigts qu’elle dégourdissait faiblement.

L’envolée du pétale fit bondir l’expert du combat à main nue. Il fusa vers elle avec toute la hargne que son visage était capable de retranscrire. Non, maître Teia était finalement loin d’être un idiot. Il avait saisit le moment d’inattention de sa rivale et s’apprêtait déjà à briser une cote de Kyra, qui eut à peine le temps de se demander comment on pouvait porter un coup de pied aussi vite...
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyJeu 12 Nov - 19:48

... Elle s’écrasa au sol et tapa rageusement du poing contre la pierre.

Ce fichu gobelin était décidément bien trop rapide ! Mais Kyra n’avait pas dit son dernier mot. D’un mouvement de tête vigoureux, le fouillis de sa longue chevelure noire balaya le vide et dégagea sa vision obstruée. Qu’il profite de courir ! Elle ne lui laisserait pas de temps supplémentaire pour trouver une nouvelle cachette.
En se relevant brutalement, l’enfant de dix ans s’encastra le menton en plein dans le nombril d’une grande personne. Redressant ses yeux bruns attendrissants qui mélangeaient un sentiment de surprise et d’agacement, Kyra perdit le contrôle de sa mâchoire qui se décrocha en une exclamation silencieuse.

_Papa ?! Arriva t-elle à sortir.
Maitre toki la toisait d’un air sévère malgré l’éclat de ses yeux verts.
_Et bien alors ! On joue à la recherche du gobelin invisible une fois de plus ? Interrogea t-il calmement.

L’enfant ne répondit pas mais secoua frénétiquement la tête afin de nier. Maitre toki sourit de la réaction de sa fille et révéla ce que dissimulait la main qu’il cachait derrière son dos. Les jambes du gobelin battaient désespérément dans le vide comme il le suspendait par le col d’une poigne ferme.
Kyra n’eut d’autre choix que de reconnaître son flagrant délit. Elle relâcha la pression contenue dans ses épaules et soupira une excuse qu’elle avait apprise par cœur :

_Je suis désolée d’avoir désobéi. Je n’aurai pas dû quitter mes appartements pour jouer avec les g... le gobelin.
Le gobelin en question commençait à manquer d’air. Il se mit à suffoquer comme la pression exercée contre sa gorge l’étranglait.
_Et pourquoi cela ? L’encouragea son père à développer sa faute.
_Parce que c’est interdit. Répondit Kyra.
_Pourquoi est-ce interdit ? Renchérit Maitre toki sans lâcher sa prise qu’il ne remarqua pas lui baver dessus.
_Parce que c’est toi qui l’a dit !

Kyra commençait à s’impatienter et Maitre toki capitula. Une fois de plus il allait devoir mettre en garde sa fille encore trop naïve du monde qui l’entourait. Il savait qu’à dix ans, certaines choses comme la confiance se donnaient spontanément. L’idée qu’un jour sa fille perde cette innocence créait une petite boule à l’intérieur de son estomac. Pourtant, il était de son devoir de lui inculquer certaines vérités. Kyra n’était pas qu’une enfant. En grandissant, elle serait sujette à un destin dont l’issue dépendrait de la valeur et de la qualité de son éducation.
Relâchant le gobelin qui s’écrasa avec un bruit de gorge déplaisant, Maitre toki étudia le regard déterminé que lançait Kyra envers le petit être difforme. Il semblait dire : « toi mon gars tu ne perds rien pour attendre ! » Et Maitre toki ne put s’empêcher de sourire. Il savait qu’il aurait beau les séparer, Kyra retournerait toujours s’amuser avec les gobelins.
Il attira l’attention de sa fille en s’agenouillant à hauteur de ses yeux pétillants de malice.

_Kyra, écoute-moi s’il te plait. (Il posa tendrement une main sur son épaule droite) Un jour, Pile et Face m’ont sauvé la vie alors que tu n’étais pas encore née, et c’est aussi grâce à eux si j’ai connu ta maman. Tu le sais bien, et c’est pour cela que je leur ai donné les terres mortes au sud de Kaminoi comme ils n’avaient plus de foyer. (Il soupira) Je sais qu’ils n’ont pas l’air méchants. Et ils ne sont pas mauvais dans le fond. Mais ils n’en restent pas moins des gobelins. Ils sont imprévisibles et maladroits ! Jouer avec eux pourrait mal finir. Tu comprends ?

L’enfant qui levait ses sourcils en une moue triste ne répondit pas immédiatement. Finalement elle secoua la tête.

_Mais papa ! J’aime jouer avec eux ! Ils m’ont jamais fait de mal et je rigole bien avec les gobelins.
_Je les ai empêché de te manger par erreur quand tu es née. Lui rappela Maitre toki d’un ton exaspéré pour là « il-ne-savait-plus-combien-t-ième fois ».
_Ils z’avaient jamais vu de bébé avant ! Les défendit Kyra.
_Et un jour ils finiront par t’attirer de bien pires ennuis. Promit Maitre toki.
_Tu sais, je sais me défendre papa. Contrat-elle avec un aplomb inhabituel.

Les lèvres pincées, Kyra croisa les bras sans quitter son père des yeux. Le sérieux qui se dégageait de son expression contrastait avec ses cheveux longs à moitié échappés de leur queue de cheval.
Maitre toki détacha entièrement la crinière noire de sa fille qui encadrait alors son visage juvénile. Devant lui s’offrait un aperçu de la femme qu’elle deviendrait un jour.

_Oui Kyra. Confirma t-il d’un air sombre. Tu sais te défendre...
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyDim 15 Nov - 19:56

...Maître Teia gisait lamentablement au sol.

Plié en deux, il balança toutes sortes de jurons à la figure de l’adolescente qui le regardait de haut. Kyra passait nonchalamment une main dans ses courts cheveux lui arrivant au dessus des épaules pour y nettoyer une petite plaque d’hémoglobine qui commençait déjà à sécher. Le sang qu’elle éjecta de sa propre chevelure n’était pas le sien.
Kyra se pencha vers Teia qui comprimait vainement la douleur fulgurante de son entrejambe. En posant un genou à terre, elle approcha son visage du sien et lui parla à voix basse comme pour donner du fil à retordre aux oreilles indiscrètes.

_Te joindra-tu à moi ? Demanda t-elle.
Teia cracha une glaire de sang sur le sol pour la seconde fois. La cause en revenait à la blessure que l’adolescente lui avait infligée à la mâchoire avant qu’il ne perde l’équilibre.

_L’humiliation est assez grande pour toute une vie. Répondit l’homme, les dents serrées.
Maitre Teia fit mine de s’asseoir dignement. Il échoua. Mieux valait rester dans cette position grotesque pour le moment.

_Je te laisse le choix. Continua doucement Kyra. Tu peux me suivre, et dans ce cas ta loyauté et ton dévouement me seront éternels. Ou bien tu peux partir, et je te ferais donner une bourse contenant suffisamment d’eau, d’or et de nourriture pour démarrer une nouvelle vie loin d’ici.

Quelque chose dans la gravité de ses paroles et le ton de sa voix figèrent l’expression de maître Teia qui considéra vraiment la femme penchée vers lui. Cette adolescente était-elle réellement assez mature pour diriger un royaume ? On ne la connaissait finalement qu’en tant que « fille de Maitre toki ». Et si tous autant qu’ils étaient, commettaient une grave erreur en ne lui accordant pas le crédit qu’elle méritait ?

Kyra se sentit stupide durant ce qui lui sembla être une éternité. Son adversaire demeurait silencieux, tout aussi inexpressif qu’elle, si bien qu’elle se demanda si Teia ne jouait pas à qui capitulerait le premier. Encore un truc de garçon qu’elle ne comprendrait jamais.
Alors sans fléchir, Kyra tacha de mettre dans son regard toute la détermination qui l’animait. Il était évident pour elle que la chance avait tourné en sa faveur lors de cette joute éclair. Consciente d’avoir usé d’un coup bas afin de déstabiliser ses prochains adversaires, Kyra se montrait volontairement perspicace afin d’être prise au sérieux malgré tout.

Maitre toki jubilait comme un enfant de trois ans devant sa première épée en bois. Il maudissait le sourire béa qu’il n’arrivait même plus à dissimuler derrière sa main. Heureusement, sa fille était beaucoup trop concentrée pour y prêter attention. Elle appliquait son enseignement à merveille en reproduisant la base élémentaire du combat en duel.
Si le premier assaut de l’adversaire est contré avec suffisamment de violence, le combat psychologique qu’il mènera contre lui-même le déstabilisera durant toute la bataille, vous donnant un avantage certain à saisir.
En ayant vaincu son premier opposant grâce à un seul et unique enchaînement, Kyra venait de reproduire ce principe à grande échelle pour le reste de ses adversaires à venir. Mais voila qu’elle faisait preuve d’initiative en adressant sereinement la parole à maître Teia dont toute colère avait déserté les traits. Quand celui-ci se leva enfin, dressé autant que possible derrière Kyra, Maitre toki comprit que sa fille venait de se forger son premier véritable allier.

En tant normal, Kyra devait affronter ses adversaires un par un, mais très vite ont pouvait comprendre que l’adolescente voyait les choses d’une toute autre manière. Elle n’allait pas simplement les battre pour gagner une allégeance forcée et bancale. Non. Kyra était surtout déterminée à gagner leur respect et leur confiance, ce qui se révélait bien plus difficile mais plus gratifiant.
Tout excité de la tournure des événements, Maitre toki se retint de justesse d’applaudir en beuglant quelques exclamations qui à coup sûr auraient plus embarrassé sa fille qu’autre chose. Mais Kyra était loin d’éprouver le même sentiment d’euphorie que son père. Si elle improvisait en essayant tant bien que mal de combiner bon sens, instinct et théorie acquise à l’école Choujo, les battements affolés de son cœur tambourinaient le rappel incessant du danger et de l’incertitude.

_Que le second duelliste avance d’un pas !

Encore cette voix caverneuse qui électrifia la peau de Kyra d’un frisson malsain. Elle ne l’avait encore jamais rencontré, mais l’homme chauve à la grosse voix ne pouvait être qu’un lycanthrope d’une meute locale. C’était toujours de cette manière électrique que Kyra les identifiait à leur approche. De la même manière que n’importe quel loup-garou identifierait l’un de ses semblables d’ailleurs.

Un paysan grimpa sur l’arène d’une démarche qui trahissait un statut social plus élevé qu’il n’en paraissait au premier abord. Kyra se figea. Après une inspection en détail, elle n’eut d’autre choix que de conclure que le paysan se trouvait être une femme.
Pour en être une, Kyra savait pertinemment que les femmes possédaient moins de points faibles que les hommes et pouvaient se montrer bien plus espiègle que ces derniers. Kyra détestait combattre une femme autant qu’elle détestait les garçons et leurs désirs pervers.

_Je me nomme Organe. Fit une voix brutale qui arracha Kyra à ses pensées.

Autrefois, Organe devait arborer une magnifique chevelure dorée. Poussière, gras et entretien douteux avaient eu raison du hale lumineux de ses cheveux. A présent, l’or se voyait terni d’un blond paille trop sombre pour ses yeux bleus marqués d’une douleur lointaine mais éternelle. Une simple queue de cheval réunissait les fils capricieux de ses cheveux tirés en arrière, comme si Kyra nécessitait d’une preuve supplémentaire sur le degré de superficialité inexistante de cette femme. Immédiatement elle lui instaura un respect inexplicable. Quelque part, Kyra ressentait une certaine compatissance pour Organe et les épreuves difficiles qui finirent par marquer aussi bien son esprit que son physique négligé et torturé.

_Organe, comme… un organe ? Se risqua Kyra comme pour se détendre. C'est plutôt glauque.
_Non. Comme organisation. Répliqua celle-ci sèchement.

Aucune étincelle ne vint perturber la silhouette musclée et figée d’Organe, si bien que Kyra ne put déterminer si la femme plaisantait, se moquait d’elle, ou répondait simplement à la question.

_J’autorise le puceau à combattre à tes cotés.
Déclara t-elle en parlant de maître Teia. Cela ne fera aucune différence quant à ta défaite.

La première bulle d’un bouillon de colère éclatât dans le ventre de Kyra. Pour qui se prenait-elle cette crasseuse !

_Ton autorisation ne vaut rien ! Répliqua Kyra d’une voix indignée.
_Et pourtant je te l’accorde.

Les sens en ébullition, Kyra se ferait un plaisir de lui clouer le bec tant cette Organe l’agaçait. Quand elle avança au centre de l’arène, la femme vêtue comme une paysanne fit pivoter un sac à bandoulière grossier sous son bras gauche. Kyra se flagella mentalement de ne pas l’avoir remarqué plus tôt. C’était une erreur à ne plus commettre.
Organe ne possédait rien d’autre de plus féminin que cet objet sur elle. Au moins, Kyra pouvait se réjouir que les mâles alentours ne risqueraient pas de s’émoustiller à la vue de la lutte entre les deux femmes.

Sans autre forme de préambule, une main sournoise glissa dans le sac tandis que l’adolescente se demandait quels vices était-elle sur le point d'invoquer...
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyJeu 19 Nov - 16:33

...A peine eut-elle entrouvert sa besace que Kyra dégaina la seule arme à sa disposition : la plume.

Et pas n’importe laquelle ! C’était la plume officielle des rédactions du courrier de Kaminoi.
Elle la trempa donc délicatement dans l’encrier avant de gratter le parchemin de la main gauche. De sa plus belle écriture, elle s’appliquait juste à dessiner la lettrine qu’une forme invisible lui révulsa le regard.
Kyra bondit de sa chaise en renversant l’encre noire sur une pile de missives qu’elle n’avait pas fini d’étudier. L’encre dévora chaque parchemin comme le feu consume le papier.

_Idiot ! Cria t-elle au mur. Tu m’as fait peur !

Son don de vision en éveil, Kyra observait dubitativement la fluorescence exercée par les traces d’écriture ressortant à travers le voile opaque infiltrant les missives. L’enfant soupira. Tout n’était donc pas perdu ! Il suffirait d’attendre que l’encre sèche, puis elle utiliserait ses dons pour déchiffrer les traits invisibles exercés par la plume des correspondants de Kaminoi. Mais pour n’importe qui d’autre, les missives étaient indéchiffrables.

_Papa va te tuer… Continua Kyra comme pour elle-même en secouant frénétiquement la tête.

Pour un spectateur d’infortune, la pièce ne comportait que Kyra, une chaise, un bureau et divers meubles en bois massif. Elle soupira de nouveau.

_D’accord, d’accord. Ça serait difficile t’es déjà plus en vie depuis longtemps... Mais je peux pas ranger du papier noir dans les archives ! Aaah, mon père va me tuer !
_Peut être pas. Répondit une voix venue d’ailleurs. Avec un peu de chance, il te les fera juste toutes recopier.

Kyra s’effondra sur sa chaise, les jambes molles, les bras ballants et la tête baissée.

_Je suis maudite. Tu ne sais pas combien de courriers qu’on reçoit ces temps-ci. Avec l’annonce du raz de marrée par l’empereur, les gens veulent savoir si le moment venu ils pourront tous embarquer dans les bateaux qui les emmèneront sur les îles inconnues. Et puis ils se demandent si les déesses amantes vont nous protéger… Et moi je dois y répondre à toutes !

_Toi ? S’enquit la voix du garçon. Tu n’as que dix ans, comment ton père peut te confier une tâche aussi importante !
_Il dit que c’est pour m’entraîner à faire de belles lettres quand j’écris. Je dois recopier l’un de ses models et… (Elle hésita avant de grimacer) c’est ma punition pour l’avoir désobéi et joué avec les jumeaux.

Le rire aigu qui retentissait dans toute la pièce –uniquement aux les oreilles de Kyra- lui fit relever les yeux vers le garçon. Il devait être difficile d’être condamné à parler pour l’éternité avec une voix qui n’arriverait jamais à maturité. Mais peut-être que son ami de toujours ne s’en apercevait pas.

_C’est pas drôle Djïn ! (Le garçon invisible émit un dernier pouffe discret avant de s’excuser en levant les bras.) Tu pourrais pas m’aider plutôt?
_Comment ? Interrogea t-il interloqué. A moins de chasser l’encre par magie, je ne vois pas.
_Oui voila ! Ça c’est une bonne idée. Se réjouit Kyra. Vas-y, fais le !
_Moi ? Mais je ne peux pas ! Tu sais bien que je ne sais pas posséder.
_T'es vraiment nul comme fantôme. Se lamenta la jeune enfant. Tous les jours on entend parler de gens qui sont possédés par un esprit ! Depuis tout ce temps, si t’es pas capable de posséder quelque chose, bin t’en seras jamais capable.
_Je suis mort depuis quand ?

Kyra fut surprise par cette question. Pourtant elle ne devrait pas. Elle savait que le seul indice temporel sur lequel pouvait se reposer Djïn était de voir Kyra grandir.
Elle compta sur ses doigts. Quatre, cinq, six…

_Ça fait huit ans.
_Huit ans… Je me demande quel age j’aurai dù avoir.
Qu’il ne sache pas compter l’exaspérait encore plus. Où peut-être avait-il oublié l’age de sa mort. Kyra n’osa jamais le lui demander.
Les deux amis improbables avaient tous les deux assistés à la mort de Djïn. Kyra n’avait même pas trois ans quand ses yeux embrumés par les larmes furent témoins des flammes grignotant la peau de l’adolescent dont les hurlements déchiraient encore les coins sombres de son esprit. Depuis, Kyra craignait le feu à un point démesuré.

_Vingt-deux. Répondit Kyra à la question du fantôme. Mais on s’en fiche Djïn, c’est pas important tu sais.
_J’aimerai bien revoir mon père.
_Qu’est-ce qui t’en empêche ?
_Je ne sais pas. Je n’y ais pas accès. Comme si il m’avait fermé la porte au nez. Comme si il me bloquait. Ce doit être le chagrin. Ou peut-être que c’est moi qui le bloque ?
_C’est vraiment bizarre. Moi ça fait huit ans que tu me suis partout et on a toujours pas trouvé un moyen de te faire aller… là où tu doit aller. Je suis la seule à te voir mais quand même, tu devrais essayer de voir d’autres personnes que moi.
_Huit ans, c’est beaucoup ?
_C’est presque toute ma vie ! Mais je serais triste que tu partes.

_Ou alors c’est toi qui me bloques.
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyDim 22 Nov - 20:24

_Lâche-moi !

Un tentacule de vapeur sombre serpentait autour des membres de Kyra qui ne savait comment se défaire de son emprise. Remuant ses doigts comme un marionnettiste, Organe ne laissait paraître aucune émotion sur son visage tiré par la concentration. Elle manœuvrait sa magie avec précision, emprisonnant petit à petit les jambes, le bassin et les bras de Kyra comme compressée par le poing d’une divinité.
Kyra cria de nouveau, mais cette fois le son de sa voix fut étouffée par un autre tentacule qui profita de l’occasion pour se glisser à l’intérieur de sa gorge. L’intrus de fumée malfaisante plongea jusque dans son œsophage. Le souffle coupé et l’envie irrésistible de vomir, ses forces s’évaporèrent comme si elles n’étaient qu’eau drainée par la chaleur d’un soleil ardent. Des perles de douleur scintillèrent au coin de ses yeux.

En plus d’être une femme, il fallait que son adversaire s’avère également être un mage de guerre. Plus Kyra se débattait, plus elle sentait la faiblesse de son corps grandir à un rythme jamais ressentit auparavant. Résignée : l’adolescente s’effondra à terre, inerte.

_Il ne t’aura pas fallut longtemps. Commenta Organe d’un ton neutre, mais ses yeux trahissaient toute la surprise du peu de résistance que Kyra venait de lui offrir.

Au court de ses diverses formations à l’école Choujo, si la magie faisait bien sur parti du programme d’apprentissage, les faibles dons de Kyra en la matière en constituaient l’un de ses points faibles. Kyra préférait de loin le physique que le psychisme malgré ses propres facultés.
Organe referma les sangles de son sac à bandoulière, éliminant ainsi la fumée grisâtre qui se dissipa dans l’air. Il ne lui restait plus qu’un pas avant de se trouver suffisamment proche de sa rivale pour l’examiner en la faisant rouler sur le dos d’un coup de pied.
Les jambes de Kyra balayèrent l’équilibre d’Organe qui bascula aussitôt en arrière.

Emportée par son élan, Kyra bondit sur le mage de guerre qui réalisait à peine qu’on venait de lui subtiliser sa besace. « Traîtresse ! » Gargouilla Organe comme Kyra piétinait sa gorge un poil trop fort.

_C’est juste un truc de fille de faire la morte. Se justifia Kyra avec un petit sourire en coin. Je te laisse le choix...
_Je ne te servirai pas ! Cracha immédiatement Organe, autant de salive involontaire que de mots.
_Peut-être pas. Mais ce sac est mien désormais.

Organe s’étrangla quand un petit rire sarcastique remonta dans sa gorge. « Jamais tu ne maîtrisera l’haleine de dragon. » Puis une quinte de toux l’envahit à l’instant même où Kyra relâcha la pression de son pied.

_Je ne veux pas de toi si ta seule défense est cet objet. Que vaut-tu sans ton sac de mage ?

L’arrogance contenue dans les propos de Kyra transforma l’expression d’Organe qui finit par se relever. En frottant la marque rouge de sa gorge, elle dévisagea l’adolescente d’une toute autre manière. Si l’on pouvait se noyer dans la profondeur de ses yeux noirs, une étincelle d’intelligence luirait dans son regard comme pour éclairer les âmes en peine.

_Qui es-tu ? Interrogea le mage.

Kyra ne répondit pas. Cette question simple cachait des sous-entendus qu’elle n’arrivait pas à déchiffrer. Organe semblait voir en elle quelque chose que personne jusqu’alors ne semblait avoir remarqué. Kyra elle-même ignorait de quoi il s’agissait. Organe ne demandait ni son nom, ni son titre.
C’est maître Teia qui finit par prendre la parole. On l’aurait presque oublié celui-là, bien qu’il n’ait jamais quitté sa place depuis que Kyra lui fit signe de ne pas intervenir durant le duel magique.

_Vous avez devant vous celle qui fera du nouveau Kaminoi, le digne héritier de celui d’Ekarys.
_Rebaptisé Kaminoi-eka. Crut bon de préciser Kyra d'un haussement d'épaules.
_Ces noms me sont étrangers. Répliqua Organe. Néanmoins, il y a quelque chose en toi jeune fille que je n’arrive pas à identifier.
_Ce n’est pas moi. Se justifia celle-ci. Ce doit être mon ami Djïn.
_Ainsi donc, tu possèdes un familier ?

_Un quoi? Répliqua kyra naïvement. Pas du tout. C’est un fantôme.
_Un fantôme ? S’enquit maître Teia. Quelle horreur! Où ça ?!

Kyra pointa du doigt un point très précis à quelques pas à peine de Teia qui recula d’un bond. Pourtant de son coté, le mage ne ressentait ni ne voyait quoi que ce soit d’anormal.

_Les amis imaginaires n’entrent pas dans cette catégorie. Décida Organe. Vous n’avez rien à craindre de cette enfant tout compte fait.

Agacée par cette réplique, Kyra ouvrit entièrement son nouveau sac en visant machinalement le mage de guerre. Un pic de colère électrique embrasa comme une étincelle la fumée opaque qui s’en déversait. Un torrent de flammes jaillit alors de l’ouverture du sac comme le souffle puissant d’un dragon. Organe et Teia l’évitèrent de justesse d'un plongeon désespéré.
Kyra demeura paralysée, les yeux écarquillés de terreur. Seul un réflexe de survie lui permit de refermer le sac immédiatement. La phobie du feu qu’elle partageait avec Djïn fit autant disparaître le fantôme que les capacités motrices de Kyra.
C’était là son plus grand point faible, et le tintement d’un gong annonçant la fin de la première partie du tournois la sauva de dévoiler sa phobie. Kyra n’avait même pas remarqué maître Teia bondir sur Organe afin d’étouffer le feu s’étant emparé de ses aillons de paysanne.

_Pauvre folle ! S’écria cette dernière. Tu n’as pas idée du danger que représente l’haleine de Dragon quand on ne la maîtrise pas !

Organe se garda bien de révéler que sa pratique récente ne lui permettait pas un contrôle total du sac. De plus en plus, cette adolescente l’intriguait. Elle se demandait même s’il ne valait mieux pas se rapprocher de Kyra afin qu’au moment venu, elle puisse l’utiliser afin de venger le massacre des siens orchestré par un démon noir qu’elle avait juré d’exterminer de ses propres mains. Organe esquissa un sourire diabolique.

_Mais si tu le souhaites, reprit-elle, je pourrais peut-être te l'enseigner. En retour…
_Nous verrons ça. Coupa Kyra. Mon père me fait signe. A partir de maintenant tu t’appelleras Morgane. C’est beaucoup plus joli. Tes parents avaient une drôle d’imagination en te donnant ce prénom.
_Le nom qu’ils m’ont donné est tout autre. Révéla le mage.
_Oui et bien, il faudra t’habituer à celui-ci. On discutera plus tard. Morgane, Teia, je vous attend tout à l’heure à mes cotés pour la reprise des défis. Si je me souviens bien, après le duel magique c'est au tour du combat armé. Alors soyez prêts!

L’adolescente se mit à courir en direction de Maitre toki qui semblait en pleine discussion houleuse avec une jeune Elfe ne lésinant pas sur les artifices de beauté. Morgane cracha sur le sol, comme à chaque fois qu’elle était outrée de croiser ce genre de femmes cachant leur niaiserie derrière leurs bijoux et leur maquillage.
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyJeu 26 Nov - 17:42

Les jours de sort...
A tout heure du jour et de la nuit, Alaena adorait se vêtir comme une princesse. On pouvait en dire des tonnes et des tonnes à propos de sa beauté légendaire et la perfection de son art pour se mettre en valeur. Pourtant, Maitre toki aimait une autre femme : Gwaedia, la mère d’Alaena.

_Ça ne va point, ça ne va point du tout ! Répétait la jeune demi Haute-Elfe quand Kyra s’approchait d’eux. Il n’y a que des pervers à chaque coin de l’arène qu’il m’est donné de zyeuter, et la boisson est épouvantable !

Le regard de Maitre toki rencontra celui de sa fille comme une échappatoire aux caprices de celle que l’on surnommait la plus belle – à juste titre. Il retrouva alors le sourire et l’enjoignit ouvertement à prendre part à la discussion.

_Bonjour Alaena !

Kyra contenait toujours la joie qu’elle éprouvait de retrouver sa demi-sœur à proximité de son père. Elle refusait de se montrer immature devant lui.

_Coucou soeurette ! S’exclama Alaena qui elle, n’avait fichtrement rien à faire de paraître enfantine.
Au contraire. Tant qu’on la trouvait éblouissante de grâce et de beauté : rien d’autre ne comptait.

Pour bien la connaître, Kyra savait que derrière ce masque de perfection méticuleusement entretenu se cachait une femme à l’intelligence redoutable. L’adolescente était fascinée par les capacités d’Alaena à savoir ainsi maîtriser l’impact de ses charmes lui permettant de venir à bout de n’importe quel couard ; pour peu qu'il ait le malheur de la sous-estimer. Pour autant, cela n’empêchait pas la plus belle d’afficher des goûts douteux en matière d’hommes.
Un jour, quand l’heure du regroupement des Dragons Maudits sur Tecil viendrait et qu’elle aurait pour mission de les diriger, Kyra la nommerait diplomate de la guilde. Tout comme sa mère l’était avant elle. C’était inéluctable.

Après un court silence de complicité, Alaena reprit la parole d’une voix enjouée.

_Tu as été formidable ! (Gênée, Kyra reproduisit un geste typique de son père en se grattant l’arrière du crâne.) Mais tu devrais abandonner cette horreur. Lui conseilla la demi Haute-Elfe en désignant le nouveau sac de Kyra.
Elle pointait la chose d’un doigt mou, comme si le simple fait de l’approcher d’avantage menaçait l’éclat de son verni à ongles.

_Tu ne peux point le garder c’est impossible ! (Elle reprit d’une voix taquine) Et puis quand est-ce que tu laisseras la chance à ta belle chevelure noire de s’exprimer entièrement en la laissant cascader le long de ton dos comme une vraie Dame ?

Kyra sursauta. La longueur de ses cheveux était pour elle un sujet tabou, mais Alaena sourit de plus belle avant de lui tirer la langue. Un clin d’œil furtif anima son regard pétillant.

_Ce soir, nous danserons à ton couronnement ! J’espère que tu me présenteras un bel éta… euh. cavalier ! Pour danser ! Avec toi ! Point pour moi ! Point, point, point ! J’ai mon Sworgy chéri.
_Il y aura bien des festivités, mais pas de couronnement à proprement parler car il n’y a pas de couronne en Kaminoi. Démentit Maitre toki sans prêter attention aux divagations d’Alaena.
_Quoi ?! Point de couronne ? Mais c’est joli ! (Discrètement elle chuchota derrière une main à l’intention de Kyra) Je t’en offrirai une.
_De toute façon je ne veux pas de cavalier. Répondit Kyra sur un ton de dégoût.

Maitre toki étudiait discrètement les mouvements des deux anciens adversaires de Kyra. Ils semblaient partis dans une grande discussion à l’écart de la foule dispersée durant la pause. Il coupa soudainement court aux sermons d’Alaena qui insistait sur certaines règles implacables à propos de la nature profonde des garçons, ainsi que d’autres atrocités qu’il ne voulait surtout pas que sa fille entende.

_Qui sont ces deux personnes que tu as combattues ? Demanda Maitre toki malgré qu’Alaena le foudroya subitement du regard.
_ Teia et Morgane. Répondit Kyra. Lui expert au combat à mains nues il parait, et elle mage guerre. Il parait aussi... Ce sont mes alliers à présent.
_Te sont-ils dignes de confiance pour parler d’eux en ces termes aussi vite ?
_Non. Trancha Kyra en toute franchise. Je ne le saurai qu’après les avoir mis à l’épreuve tout à l’heure. (Elle se tourna vers Alaena) Ne gronde pas trop mon père pour l’idée du tournoi. Je sais me défendre et c’est une chance unique pour me forger un statut.
_Moi ? Mais non, point du tout. Je sais que tu vas en faire de la chair à pâté ! Au fait, quelqu’un t’attend à l’arrière de l’arène. Maintenant file !

Kyra hocha la tête et s’exécuta. Malgré les duels qu’elle venait d’essuyer, l’adolescente semblait encore débordante d’énergie pendant qu’elle courait rejoindre l’invité mystère. Et cela valait mieux, car Alaena avait pleinement conscience que la journée se trouvait loin d’être terminée.
Aussitôt que Maitre toki et Alaena se retrouvèrent face à face, toute jovialité déserta les traits de la demie Haute-Elfe. Elle articula ses mots au père de Kyra avec minutie :

_Si jamais il lui arrive quoi que ce soit…
_Oui, oui, je sais. Tu envoies Sworgy me découper en rondelle.
_Non.

L’expression d’Alaena se figea en un rictus déstabilisant de sincérité.

_Je le ferai personnellement.
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyMar 1 Déc - 16:56

L’enfant aux cheveux bleus argenté qui l’attendait à l’écart de la foule ne lui prêta aucune attention. Kyra souriait, car elle savait pertinemment que ce futur prodige alchimiste se voulait imperturbable quand il s’agissait de confectionner/rafistoler/améliorer.

_Qu’est-ce que tu fais dans ce coin sombre ? Interrogea Kyra. Tu sais que tu verrais beaucoup mieux en ne restant pas bêtement derrière ce mur ! Il n’est même pas aux normes impériales c’est dangereux.
_Ça je le sais bien. Répondit l’enfant. Il s’écroulera tout au plus dans un tiers de saison. Il me cache du soleil.
_Tu ne pourrais pas dire « un mois » comme tout le monde ?
_Bah non ! C’est l’approche de l’hiver et de ses vents glacés qui effriteront sa base et précipiteront son inclinaison. Regarde !

Kyra posa les yeux sur ce que l’enfant tenait dans ses mains.

_Mais c’est...

Le cœur de Kyra se serra. Le petit oiseau était blessé à l’une de ses deux pattes allongées. Sa tête noire au sommet rouge, sa gorge bleue et blanche, son ventre écarlate et ses ailes brillantes de vert et de bleu, Kyra resta sans voix comme elle reconnaissait immédiatement celui que l’on surnommait l’oiseau dragon.

_C’est une brève. Je lui ais confectionné une atèle car elle s’est brisée la patte gauche. Heureusement que la droite était protégée par la missive qui y était rattachée !
_La... missive ? Kyra recula imperceptiblement.
_Oui ! C’est curieux hein ? Elles ne sont pas faites pour ce genre de travail habituellement. Et puis, sauf si c’est pour évité d’attirer l’attention, normalement les pigeons c’est bien plus pratique. Celui qui a envoyé cette missive ne voulait pas qu’on l’intercepte. Si jamais j’attrape ces deux gamins qui lui ont jeté des pierres je leur fait bouffer leurs yeux par les oreilles ! …
Tu dis rien ?


Quelque chose de cristallin voilât chaque syllabe que Kyra parvint à prononcer.

_Arrête avec ta science, tu ne comprends pas ! S’affola t-elle. C’est impossible !
_Pourquoi ? Non regarde il y a bien une missive là. (L’enfant étudia le cachet du destinataire.) C’est… Oh… ? C’est pour toi.

Kyra lui arracha violemment la missive des mains. Son corps tout entier tremblait, frissonnait. Après une inspiration maladroite, l’adolescente déroula le court parchemin comme si elle savait exactement ce qui l’attendait.

_Qu’est-ce que c’est ? Demanda timidement l’enfant en caressant d’une main extrêmement pale -presque translucide- la tête noire de l’oiseau.

La voix terrorisée de Kyra n’était plus qu’un souffle quand elle répondit : « Un poème. »


Kyra se perdit dans un nouveau songe, se remémorant chaque détail de son traumatisme. Si le songe ne dura que quelques instants, le souvenir lui, s’étalait sur plusieurs années.

* * *



Elle avait dix ans, et la beauté des mots dont le véritable sens lui échappait la subjuguait. Ce devait être ça la magie de la poésie. Djïn pouvait bien dire se qu’il voulait, l’auteur anonyme de ce présent littéraire avait touché le fond de son âme comme personne.

Citation :
« Innocente,

Toi qui brilles par delà les constellations, toi que je devine si farouche quand pénètre l'encre de ma plume vigoureuse dans la vierge feuille, reçois ces mots autant que la poésie de mes pensées qui t’es destinée.
Délicate petite fleur à éclore, je chante les louanges voluptueuses des courbes encore trop menues pour accueillir l’instrument de la vie.
Je chante car le silence me détruit. J’écris pour que se brisent les chaînes de ma raison. Pour un instant, une nuit, l’éternité, je tuerais les démons emprisonnant la femme prisonnière de ton cœur. Celle que tu es, mais celle dont tu ignores encore tout.

Si le destin me donne raison, et qu’au fond de ton âme brûle le désir de t’épanouir, alors retrouvons nous à l’orée du bois, sous le grand chêne millénaire qui nous verra communier avec la nature, nous protégeant du regard envieux des étoiles de l’univers. Ainsi, je t’offrirai l’épanouissement de tes sens qui ne demandent qu’à germer comme des boutons d’or.

N’es-tu pas curieuse d’apprendre à te connaître ? »

_C’est si beau ! Finit-elle par soupirer. Je voudrais tellement comprendre ce que ça veut dire !

Kyra était en effet bien trop jeune pour lire entre les lignes de ce poème. Elle se balançait sur sa chaise dans l’espoir d’y voir plus clair quand Djïn déboula pour lui arracher la missive des mains. Mais le fantôme y passa au travers sous un cri d’indignation poussé par Kyra.

_Allez, fais moi lire ! Insista Djïn.
_Pas question, c’est personnel !
_Un oiseau bizarre s’écrase contre la fenêtre avec une missive et comme par hasard elle serait pour toi ?
_C’était MA fenêtre ! De toute façon t’y connais rien au romantiste.
_Romantisme.
_C’est pareil !

Djïn pouffa de rire.
S’il n’aurait pu lire que quelques lignes de cette missive, peut-être l’avenir de Kyra se serait révélé moins sombre...
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyDim 6 Déc - 22:00

La simple pensée de recevoir un nouveau parchemin du poète anonyme lui fit pousser un petit cri d’impatience. Mais pour que celui-ci daigne lui écrire à nouveau, encore fallait-il que Kyra lui réponde !
Djïn trouvait cette idée stupide et même dangereuse. Qu’est-ce qu’il en savait de l’amour après tout ? Ce n’était qu’un fantôme, rien de plus.

Ce soir, la lune serait ronde dans le ciel et les loups chanteraient en son honneur. Kyra et les jumeaux gobelins ne manqueraient ce spectacle pour rien au monde. En brossant ses longs cheveux noirs ce matin là, Kyra se regardait sourire à travers le miroir. Elle était loin de posséder du talent en poésie, mais la présence de la lune et le folklore des loups l’aideraient à trouver l’inspiration.
La jeune fille se demandait une chose : fallait-il avouer son inexpérience pour que son mystérieux correspondant fasse preuve d’indulgence envers ses maladresses ? Non ! Après mure réflexion, Kyra se comporterait en Dame comme semblait le suggérer les quelques mots du poète qu’elle arrivait à comprendre.

En se levant de son fauteuil, la jeune fille de dix ans observa son reflet. Elle était inhabituellement habillée et coiffée comme une véritable petite poupée. Alaena aurait été si fière de sa demi-sœur !
Emportée par un élan de féminité, Kyra se risqua un tour sur elle-même en écartant les bras pour mieux apprécier les mouvements amples qu’elle provoquait sur le tissu. Les pans de sa robe s’entremêlèrent avec ses jambes et Kyra perdit soudainement l’équilibre. Elle se vit tomber en arrière avant d’éclater de rire à cause de son reflet hébété. C’était un signe : Kyra était amoureuse.

Habituellement, la jeune fille ne consacrait pas autant d’énergie afin de se mettre en valeur. Aujourd’hui, Kyra l’avait décidé : elle était devenue femme. La petite fée Navi, sa gouvernante, prit un malin plaisir à l’aider dans cette tâche.
A l’école Choujo, les autres enfants ne lui offrirent aucune raillerie contrairement à ce qu’elle aurait imaginé. Les filles hésitaient à l’approcher alors que les garçons ne lui avaient jamais autant adressé la parole. C’est étrange l’effet d’une présentation soignée. Alaena avait raison quand elle disait de ne jamais sous-estimer le pouvoir d’une belle robe.

L’événement de cette nuit ne laissait jamais personne indifférent en Kaminoi. Les loups blancs n’élurent domicile qu’encore assez récemment (du moins pour les vieux du royaume), mais il était devenu coutume pour le peuple d’accepter leur sagesse le temps d’une mélodie lugubre. Kyra n’était pas la seule à attendre que l’inspiration des loups ne l’imprègne ; son précepteur littéraire en trépignait d’impatience. Elle alla donc le retrouver après sa leçon afin de quérir quelques conseils, mais ce vieux siphonné ne fit que déblatérer une série de mots sans queue ni tête.

_Alors comme ça on s’intéresse à la poésie ? Questionna rhétoriquement le précepteur.
_Pas « on » : je ! Répondit Kyra comme si ce vieux fou ne l’avait pas écouté.
_Et bien je suis ravi qu’enfin tu t’intéresses à autre chose qu’à manier le fer et le poing. La plume est un instrument qu’il est bon de savoir maîtriser.
_Je préfère les acrobaties quand même. Ça donne moins mal à la tête.
_Sauf évidement si la cabriole se termine par une mauvaise chute n’est-ce pas ?

Kyra eut besoin de quelques instants afin de comprendre que son précepteur essayait de faire de l’humour. Elle sourit poliment et reprit la discussion.

_Alors… comment on s’y prend pour écrire des belles choses ? Enfin… Avec des sentiments. Vous voyez ? Comment…
_Ah ! L’interrompit le précepteur d’un sourire en écartant les bras. Je me disais bien que cette jolie robe n’était pas anodine. (Kyra ne comprenait pas grand-chose mais le laissa continuer). La muse est capricieuse et il faut du temps pour apprendre à intercepter, et comprendre ses messages. Ouvre ton cœur jeune fille. Laisse le te parler, et transmets naturellement ce qu’il exprime.

Kyra s’imagina un instant s’ouvrir le ventre afin de vérifier si son cœur possédait réellement une bouche pour parler. Comprenant que le précepteur usait une fois encore de ce qu’il appelait métaphore quand il racontait n’importe quoi, Kyra finit par l’arrêter. Ce n’était pas de métaphore dont elle avait besoin, mais de concret.

_Comment fait-on pour répondre à ça ? Demanda t-elle en brandissant sa missive juste avant de se raviser. Vous savez que vous n’avez pas le droit d’en parler à personne pas vrai ?
_Oh. Et bien, je suis tenu au secret quand un élève en émet le souhait…
_Je le souhaite. Tenez !

Les yeux globuleux du précepteur s’expatrièrent encore un peu plus hors de leur orbite quand il commença à lire le poème. Il se tortillait nerveusement, réajusta son monocle droit puis passa plusieurs fois la main dans sa barbe grise. Enfin il demanda d’une voix incertaine :

_Comment as-tu trouvé ça ?
_C’est très beau ! Répondit naïvement Kyra. Vous trouvez pas ? (Le précepteur secoua la tête et chercha d’autres mots).
_Non, je veux dire où l’as-tu trouvé ? Tu sais Kyra… ceci ne t’était peut-être pas destiné…

Kyra hoqueta de surprise. Elle n’aurait pas dû lui faire confiance. Tout le monde pensait qu’elle ne faisait que de raconter des histoires en parlant de Djïn, surnommé l’ami imaginaire par les autres. Là encore, elle voyait bien qu’il ne croyait pas qu’un gentil garçon puisse lui écrire un poème.

_C’est vous qui l’avez écris ? (Le précepteur se figea) Non, alors qu’est-ce que vous en savez ? J’étais en train de trier les missives de mon père quand…
_Ton père ?! S’affola le précepteur.
_Oui… ? Maitre toki, je vous le rappel ! Et si jamais vous dites un mot…
_Non, non, non jeune fille. Coupa t-il avant de réfléchir une seconde. Je crois que… (une idée illumina son visage) Gwaedia ! Ta belle-mère. Est-ce qu’elle est toujours en voyage ?
_Mais on s’en fiche ! S’impatienta Kyra. Pourquoi vous me parlez d’elle y'a pas de rapport ! Vous allez m’aider ou pas ?
_Mon enfant, calme toi. As-tu au moins comprit le sens de ce poème ?

Kyra n’émit plus le moindre geste et se retrouva sans rien dire. Elle baissa les yeux timidement puis secoua légèrement la tête. « Peut être pas tout ». Elle reprit enfin son souffle et s’écria : Mais c’est gentil n’est-ce pas !

Le précepteur émit un petit rire soulagé. « Il est vrai que cela ne ressemble en rien à des menaces. Je devrais plutôt garder ce parchemin pour… »

Kyra le lui arracha immédiatement des mains : vous êtes viré !

_Quoi ? Mais que dis-tu là enfin. Voyons, c’est absurde et tu n’en as même pas le pouvoir.
_Patience. Répondit doucement Kyra comme si elle venait de gagner quelques années de maturité. Je n’aurai pas dix ans toute ma vie.

Le précepteur manqua de s’étouffer en ravalant sa propre salive.
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyJeu 10 Déc - 19:30

La nuit était tombée.

Malgré la trouille bleue qui paralysait les gobelins dans leur cachette, Kyra fondit entre les arbres obscurs pour traverser le territoire des loups blancs. Ils hurlaient leur mélodie mélancolique sous la lumière pale de la lune. Du haut de ses dix ans, la jeune fille ne montra aucun signe d’appréhension quand elle rejeta sa capuche en arrière.

Un louveteau lui fit face. Il lui tournait autour d’un silence irréel comme pour la dissuader de faire un pas de plus. Kyra n’était pas assez inconsciente pour s’approcher d’avantage de cette grotte; certainement leur refuge. Pourtant, quand il resserrera dangereusement la distance les séparant, l’enfant ne put empêcher ses mains de glisser à travers la fourrure soyeuse de l’animal, d’en apprécier la texture confortable de son pelage doux.
Même s’il était encore bien jeune, le regard intense du loup rencontra celui de Kyra qui n’avait pas besoin de se baisser pour lui faire face. Un frisson électrifia la peau de jeune fille dont les yeux se révulsèrent spontanément. Ses dons de visions activés par mégarde, ce que Kyra distinguait à présent autour d’elle changea du tout au tout.

Les loups devenus Hommes luisaient d’un bleu scintillant dans la nuit. Leur couleur imitaient celle des âmes égarées que leur chant guidait jusqu’au refuge funeste de la lune.
Toujours en contact avec le monde immatériel, un homme grand et imposant lui apparut quand elle se retourna à son approche. Il n’avait fait aucun bruit, s’étant lui même déplacé avec toute la discrétion inquiétante du louveteau. Kyra parvint cependant à sentir sa présence comme pour chacune des sphères ondulantes qui volaient vers le ciel.
L’épaisse chevelure blanche de l’homme s’étirait jusque dans son dos comme une crinière argentée et luisante au contact de l’astre doré. Aux yeux de Kyra, ses vêtements en peau de bête lui conférèrent logiquement le statut de chef de meute.
L’espace d’un puissant hurlement recadrant le chemin d’une âme en peine, le visage humain prit la forme d’un loup majestueux. Son chant mourut parmi l’écho de ses semblables, puis il toisa l’enfant de toute sa hauteur par un visage marqué.

_Il est très imprudent pour toi de t’être rendue sur mon territoire.

Sa voix était intimidante et autoritaire ; mais toujours humaine.
_Je suis venue écouter le chant des loups. Répondit timidement Kyra.

L’homme approcha de deux pas, ce qui renforça son imposante stature aux yeux vitreux de l’enfant.

_Qu’as-tu ressenti au contact de ce jeune loup ?

Le loup en question s’était posé aux pieds de Kyra. Il l’observait de ses yeux bleus grands ouverts, mais elle ressentait plus le poids de son regard qu’elle ne le voyait réellement. Car les yeux blancs de l’enfant eux, continuaient de fixer l’homme à la crinière pure d’une grande appréhension.

_Une décharge. Commença t-elle. Ça pique partout dans mes bras, dans mes jambes…
_Tu n’es pas une louve. Un autre animal habite en toi. Malgré cela tu as créé un lien avec ce jeune loup et ressens sa présence comme si toi-même en était un. Fascinant.

Kyra baissa enfin ses yeux révulsés vers l’animal à ses pieds, découvrant avec stupéfaction qu’un garçon jeune et fragile avait prit sa place. Elle sursauta et son regard retrouva sa couleur noire originelle.
Le monde invisible et toutes ses âmes flottant dans les airs ne lui étaient alors plus accessibles. Le garçon avachi à ses pieds céda de nouveau sa place à un loup, et l’homme qui lui parlait devint le plus grand loup que Kyra n’ait jamais contemplé. Au moins aussi grand qu’un poney.

_Vous… Vous êtes des Hommes ? Hésita Kyra.
_Lycan.
_Des loups-garous! Souffla l’enfant qui commençait à prendre peur.
_Mon nom est Lothaire. Se présenta le loup. Je suis le chef de cette meute, et ta présence ici n’est pas la bienvenue.

Kyra remarqua qu’un chêne au tronc incroyablement épais et d’une hauteur au moins deux fois supérieure aux autres trônait à la lisière du bois. Une ribambelle de roses rouges l’encerclait comme un tapis coloré aux épines vicieuses. Etait-ce l’arbre dont faisait mention le poème ? Le cœur de Kyra bondit dans tous les sens dans sa poitrine. Craintive, l’enfant risqua une question en pointant l’arbre qui l’intriguait d’un doigt tremblant.

_Qu… Qu’est-ce que c’est ?
_Le grand chêne millénaire qui nous protège du regard des étoiles.

La réponse de Lothaire était en tout points similaire aux propos écris par le poète. Cela lui fit peur. Se pouvait-il que le chef de meute des Lycans soit ce fameux poète ?
_Pourquoi se cacher des étoiles ? Questionna Kyra.
_Pour concevoir et perpétuer le sang de la meute.

L’enfant commençait à comprendre. Le précepteur avait fait une drôle de tête en lisant le poème, si bien que Kyra s’inquiétait de son sens caché.

_Je voulais juste… Je voulais pas, je voulais pas déranger !

Le grand loup sentit une pointe de panique dans la voix de Kyra. Il se lécha instinctivement les babines.
Kyra prit ses jambes à son cou, laissant derrière elle la meute des loups blancs unir un ultime chant à la lune.


Dernière édition par Maitre Toki le Lun 14 Déc - 19:45, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyLun 14 Déc - 19:42

Le lendemain, et pour la première fois de sa vie, Kyra ne se leva pas pour aller à l’école. Il était absolument hors de question pour elle de quitter son nid chaud. Le lit était confortable et personne ne pourrait jamais la trouver sous la cachette réconfortante de ses draps.
Même les yeux fermés, l’enfant perçue une lumière frapper à la porte de ses paupière. Elle les ouvrit subitement, découvrant avec un soupir agacé qu’une petite fée bleue s’était incrustée sous les draps.

_Mais vas t-en ! S’écria Kyra en secouant le tissu pour la faire déguerpir.

Navi bondissait dans les airs telle une luciole apeurée. Elle aussi éleva la voix.

_Pas question ! Lèves-toi immédiatement tu as école !
_J’veux pas ! Contra Kyra.
_C’est ce qu’on va voir…

La petite fée se mit à luire d’une lumière blafarde dans la pénombre offerte par le tissu. L’enfant capricieuse fut soudainement obligée de tourner sur elle-même en évacuant le drap par-dessus le lit de toute urgence. Elle ne s’en était pas rendue compte, mais Kyra venait de s’assoir d’un bond sur le matelas.

_Si à trois tu n’es pas debout je te balance un Foudre X ! Menaça la petite fée avec des étincelles lui jaillissant déjà des yeux.
_Mais Navi tu comprends pas, je veux pas y aller ! Plus jamais !

Contrairement à tous les enfants de son age, Kyra n’avait jusqu’alors jamais prononcé ces mots envers l’école. Navi se garda de montrer sa joie, soulagée de savoir cette enfant se comporter comme n’importe quel autre. Elles allaient donc enfin avoir une discussion entre femmes ! Car évidement :

_C’est à cause d’un garçon. Pas une question : une affirmation.

Kyra ne répondit pas immédiatement. Elle frotta ses yeux rougis par la fatigue avant de prendre son courage à deux mains, lesquelles saisirent subitement la petite fée entre leurs doigts. « Je veux pas y aller c’est tout ! »
Une décharge électrique plus tard, Kyra recouvra la raison et s’affaissa mollement contre la tête de lit. Elle soupira.

_On m’a écrit un poème. Se résigna t-elle d'avouer tandis que ses mains fumaient encore de sa correction foudroyante.
_Un poème ? Répéta Navi complètement intéressée par cette histoire. Et pourquoi tu ne m’as rien dit ! Qu’est-ce qu’il y avait d’écrit ? (Kyra soupira de nouveau puis baissa timidement la tête, honteuse.)
_Je ne suis pas sure. J’ai pas vraiment tout compris tu sais. Mais c’est gentil !
Enfin… C’est sûrement un garçon de l’école tu vois…


Un sourire vint épanouir le petit visage joufflu de Navi qui passa une main sur ses cornes, en souvenir de la raison de leur apparition.

_Moi aussi j’ai été amoureuse, tu n’as pas à avoir peur de le devenir.
Oui, d’accord, mais Navi… je suis allée voir les loups hier soir. Je veux dire vraiment ! Et j’ai parlé avec leur chef. Il y en avait un -un jeune loup- qui m’aimait bien. Et donc le chef lycan m’a dit…

Kyra s’interrompit abruptement, comme si les mots ne pouvaient franchir une barrière invisible devant sa bouche. Les ailes de Navi se mirent à battre furieusement dans son dos tellement ceci l’agaçait.

_Il a dit quoi ! Insistait-elle.
_Il m’a dit des choses ! Répondit Kyra. Mais moi je veux pas avoir d’enfant, c’est trop tôt encore !

Deux yeux ronds se figèrent devant Kyra. Ils la dévisageaient comme si cette enfant de dix ans venait simplement de se métamorphoser en une espèce de banane géante. Navi frotta de nouveau ses cornes, avec le souvenir exacte cette fois de l’acte ayant engendré leur apparition... Le sexe.
Elle fila droit vers la porte de la chambre et verrouilla le verrou à double tour.

_Tu n’iras pas à l’école !
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyJeu 17 Déc - 17:59

Un homme fut conduit aux portes du château Kaminoi. Personne n’eut besoin de le faire patienter. En haut des marches encadrées par les cerisiers blancs, Maitre toki saluait déjà chaleureusement son ami de longue date.

_Faraz ! C’est une joie de te recevoir. Entre donc ! Mes cuisiniers nous ont préparé un repas succulent.
_Comme toujours. Répondit-il avec le sourire. Je n’en attendais pas moins.

Pour se rendre à la petite salle de réception (l’autre étant réservée pour les grandes occasions), il fallait traverser la pièce principale qui semblait être un musée converti en salle de trône. Les statues miroir des déesses amantes gardaient le siège majestueux sur lequel Maitre toki ne siégeait que s’il en était obligé.
Faraz en voyait là une qualité. Lui-même possédait quelques richesses de part son statut de chef commerçant du royaume. Il trouvait cependant des plus vulgaire l’arrogance d’un homme exposant sans complexe l’étendue de sa fortune, particulièrement envers des gens dans le besoin. Maitre toki et lui se voyaient en accord en de nombreux points. Celui-ci était probablement l’un des plus important.

_Comment se porte ta petite famille ? Demanda Faraz alors qu’on leur ouvrait une double porte accédant à la salle à manger.
_Ma femme se ressource actuellement en ses terres natales, la descendance perfectionne son éducation tandis que je m’efforce de préparer au mieux ma succession. C’est également pour cela que je t’ai fait venir, j’aurai besoin de quelques conseils avant qu’il ne soit trop tard.

Faraz se figea. Il porta une main contre sa poitrine et accéléra la cadence de ses phrases. « Trop tard? Que veux-tu dire ? Tu reste jeune et robuste, alors à moins d’être sur le point de m’annoncer une maladie grave, préparer ta succession ne devrait pas être une priorité. »

Maitre toki ne put s’empêcher d’esquisser un sourire. « Rassure-toi, je suis en parfaite santé. Mais avec l’approche du cataclysme* annoncé par les visionnaires de l’empereur, je crains ne pas avoir le choix que de préparer ma fille à un avenir incertain. De plus, je soupçonne les Déesses de lui réserver un destin proche de celui de ma mère. »

Faraz répondit qu’il le soupçonnait d’utiliser ce prétexte afin de se la couler douce avec son épouse lors d’une retraite anticipée. Les deux hommes partirent à rire avant de passer à table. Mais lorsque Maitre toki engagea la conversation par une question personnelle, le teint mat de Faraz perdit légerement de sa couleur. Il réajusta nerveusement le col de sa chemise bordeaux avant de tapoter son turban de la même couleur.

_Pour être tout à fait honnête, commença Faraz, il m’est toujours très difficile de mener à bien mon commerce depuis la mort de mon fils. Mais je crois reprendre enfin pied.
_Ah, excellente nouvelle! Serait-ce grâce à l’apparition d’une femme dans ta vie ?

Le commerçant gloussa faiblement. On aurait dit un enfant qui osait à peine avouer à ses parents sa première amourette. « Je ne peux rien te cacher. »
_Non, et d’ailleurs tu vas tout me raconter dans les moindres détails. La baisse du court du cuir de licorne et mes affaires de successions pourront attendre.
« Hé toi, on a une urgence ! »

Maitre toki fit un bond sur sa chaise sous le regard incrédule de Faraz. Il était comme prit d’une méchante démangeaison dans l’oreille droite. Il marmonna alors entre ses dents :

« Navi je t’ais pourtant déjà expliqué que la télépathie me provoquait des sifflements dans les oreilles.
- C’est pas de la télépathie idiot, je suis derrière toi. »

_Ah mais zut ! Arrête de bourdonner dans mes oreilles j’ai un invité !
_Désolée. Reprit la petite fée à haute voix. Bonjour, moi c'est Navi.
_Faraz, je t’ai déjà parlé de la nounou de ma fille. Présenta Maitre toki.
_Non, mais ravi de vous rencontrer. Vous faites une très jolie fée. Vos branches sont splendides.

Ce qu’il croyait passer pour un compliment fit tressauter Navi dans les airs. « Quoi ?! » Et son regard de petite fée espiègle se matérialisa en une gerbe d’étincelles folles. « Qu’est-ce que vous venez de dire ? »

_Oh pardonnez-moi. Il m’a toujours été dit qu’une fée de votre genre aimait qu’on la complimente sur ses cornes.
_Comment ça de mon genre ?! Répliqua immédiatement Navi en colère. Vous m’insultez !
_Je suis maladroit. S’excusa poliment Faraz. Je pensais que seule une fée ayant eu recours à un rapport... intime, se voyait pousser des branches sur la tête. Ce qui révélait sa véritable nature aux yeux du monde. Vous n’avez donc pas été reniée par votre essaim ?
_Cette fois je crois bien que je vais invoquer un petit tas de cendre d’ici très peu de temps…
_En réalité mon ami, tenta de médiatiser Maitre toki, le cas de Navi est un peu plus compliqué que ça. Certes elle n’est plus vierge depuis longtemps, mais… (il échoua)
_ÇA SUFFIT !! Explosa la petite fée. Tout ça c’est loin et il faut qu’on cause d’un truc plus intéressant. Et vous, pour la dernière fois je ne suis pas une tentatrice !

Faraz trouva pourtant qu’elle en possédait tout le caractère. Il décida d’entamer prudemment son repas plutôt que de formuler à voix haute cette vilaine pensée. Un homme intelligent.

_Si tu veux bien m’excuser un instant. Dit Maitre toki en se levant de table. Je n’en aurai pas pour longtemps.

Navi le conduisit dans un couloir afin de bourdonner d’inquiétantes révélations à son oreille : Bzzzz.
« Mais enfin, c’est impensable, elle n’a que dix ans ! » Bzz! Bzzz ! Bzz ! « Ce que tu dis là est absurde Navi. » *CLAC* « Aie ! » Bzz Bzz Bzz !!! « Tu dis? Un poème ? Et bien ce n’est pas si… » BZZZZ !! « Des métaphores indécentes ?! » Bzz Bzz « Je vois. Excuse moi auprès de Faraz, je me rends immédiatement à l’école pour éclairer cette histoire. S’il s’agit bien d’un élève lycanthrope qui a écrit ce poème à double sens, l’un des précepteurs sera peut-être au courant de quelque chose. »

_Oui mais pour Kyra ? Interrogea Navi qui cessa son bourdonnement agaçant.
_Je n’en sais rien, on a un commerçant en chef au château. Qu’il lui enseigne quelques unes de ses astuces, improvise !

A peine Maitre toki eut-il tourné les talons que la petite fée virevolta dans la salle à manger au nez de Faraz. « Il faut que vous enseigniez vos talents d’escrocs à Kyra.»
_Que se passe t-il, où est Maitre toki ? Demanda Faraz, les yeux plissés en entamant son vin.
_Oh ça, il doit juste régler une affaire de sexe avec sa fille.

Une pluie d’alcool rouge que Navi ne parvint pas à éviter jaillit hors de la bouche de Faraz :
_Pardon ? S’affola t-il.
_Non mais c’est pas vrai ! (Trempée, Navi se mit à crier comme un moineau hystérique) Ouais c’est ça, pardon ! Je t’en ficherai du pardon !! Comme si déjà avoir des branches sur la tête ça suffisait pas, maintenant ‘faut que je passe pour une fée catin et alcoolique !
_Vraiment, je suis désolé. Mais je suis plus inquiet pour Kyra. Peut-être pourrai-je aller lui parler ?
_Je peux même pas utiliser un foudre X pour me venger sinon je vais m’électrocuter. Continua Navi comme si elle n’avait pas entendu son interlocuteur.

Faraz épongea sa bouche et se leva précipitamment ; Navi l’interrompit avant qu’il n’entame le premier pas. Elle ne voulait vraiment pas laisser sa petite protégée parler de ses problèmes avec cet inconnu, aussi « respectable et amical » pouvait-il paraître. Le commerce, oui ; le reste, non !

_ Ça va, il n’y a pas de quoi s’énerver. Tenta de raisonner la petite fée en essorant sa robe bleue. Ce sont juste des enfants qui ne comprennent pas encore ces choses là.
_Tout de même. (Une lueur traversa le regard lointain de Faraz quand il murmura ces mots d’un murmure terrifiant.) Elle est encore si innocente

Les yeux de Navi s’embrasèrent littéralement. Il y avait eu comme un voile de perversion dans le timbre grave de Faraz. Engluée d’alcool et les sens en alerte maximale, la petite fée commit l’erreur d’invoquer son sort de feu le plus puissant.
La dernière chose qu’elle vit avant que son propre rideau de flammes ne la fasse suffoquer, fut Faraz se précipitant vers la chambre de Kyra.



*Rappel : Les événements de cette histoire se déroulent quelques années avant que le grand raz de marrée ne raye les premières îles connues de la carte.
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyLun 21 Déc - 21:34

Les premiers cours matinaux étaient déjà terminés quand Maitre toki franchit le portail de l’école Choujo. Lui qui en était le fondateur il y avait de cela dix ans dans le but d’éduquer la nouvelle génération, il dévisageait chaque visage avec la même question qu’autrefois : et si c’était lui ?
A la différence de maintenant, Maitre toki ne se demandait plus qui serait assez compétent pour lui succéder, mais qui l’était suffisamment pour avoir rédigé cette lettre à double sens adressée à sa fille.
Comment envisager qu’un enfant de l’age de Kyra puisse être capable de manier les métaphores sexuelles ? Le coupable ne pouvait donc qu’être un élève de dernière année. Dans tous les cas, une chose était certaine. Seul le précepteur littéraire pourrait l’aider à déceler « le poète », ce prodige machiavélique.
Il serait pendu haut et court. Écartelé. Éviscéré.

_Écorché vif. Saigné à blanc…
_Par les Déesses, quelque chose ne va pas ? Trembla d’inquiétude une voix qui fit sortir Maitre toki de ses songes tourmentés.
_Oh rien. J’énumérais « mentalement » le sort que je réserverai à ce pervers.

Le vieil homme qui supportait mal la pression déglutit du haut de son escabeau et parvint enfin à attraper le grimoire qu’il convoitait. La bibliothèque du précepteur littéraire était pour le moins impressionnante. Tant par la diversité que par le nombre de ses ouvrages. Il souleva sa robe qui traînait sur les marches de l‘escabeau puis se réfugia derrière son bureau. Rassuré par le contact du vieux bois, le précepteur prononça ses mots avec tout de même quelque précaution.

_Je suis inquiet Maitre toki. Jusqu’à aujourd’hui, votre fille a fait preuve d’une grande assiduité dans son apprentissage. Aucune absence ! Elle est un exemple à suivre pour ses camarades. Pourtant je ne l’ai pas compté parmi nos élèves ce matin. Et voila que je vous entend parler de (Il chuchota comme s’il s’apprêtait à prononcer un gros mot)… de pervers ?
_Parfaitement ! Et vous allez m’aider à le trouver. Faites moi voir un peu le genre de lecture que vous proposez aux élèves. (Maitre toki arracha le grimoire des mains du précepteur et récita) « Les chroniques philosophiques de l’Historien et Roy Richard Herdignon XIIIème du nom. »
Maitre toki souffla d’ennui à la fin de sa lecture. « Comme c’est pompeux… »
_Et encore, cela n’est que l’intitulé, mais il fait parti de ma collection privée. (Le précepteur se réappropria l’ouvrage avec gourmandise) Si vous émettiez plutôt la raison de cette soudaine attirance envers mes choix de textes éducatifs ?
_Ma fille a reçu des avances manuscrites.
_Que voulez-vous dire ? (Le précepteur réajusta son monocle droit) Oh, vous faites référence au poème ?
_ Tseuh, vous parlez d’une poésie ! Cracha Maitre toki d’un ton sarcastique. Et comment êtes-vous au courant de ça ? Vous auriez osé ne pas m’en avertir ?

Le précepteur multiplia les signes de nervosité devant l’impatience de Maitre toki.

_Mais enfin, ne nous méprenons pas ! Il parait évident que ce poème ne lui était pas destiné.
_A moins qu’il ne s’agisse là d’un extrait de vos recueils, ou que vous en soyez l'auteur... je ne vois pas comment cela aurait pu tomber entre les mains de ma fille.

Le piège se refermait petit à petit autour du précepteur avec la lenteur sournoise du béhémoth en chasse. Si Maitre toki continuait en ce sens et décidait de le porter responsable en faisant le lien entre le poème et lui, sa carrière était anéantie. Sa si belle et précieuse carrière… Il avait étudié si longuement et travaillé si dur pour en arriver là.
Le précepteur paniqua :

_N’importe qui aurait pu écrire ce poème !
_De même que n’importe lequel de vos élèves ?

Le vieil homme manqua de déglutir de travers.

_Excusez-moi ? Vous n’y pensez tout de même pas ! Il serait plus logique de comprendre que Kyra arrive à un stade où elle doit chercher à se créer des liens avec un garçon, et que de ce fait…
_Assez. Coupa Maitre toki sans élever la voix. Vous ne m’aidez pas bien au contraire. En réalité, j’ai l’impression que vous cherchez à vous défiler…
_Non, non, non, non ! Je dis simplement que ce ne serait pas la première fois que votre fille invente des histoires… pour se faire remarquer.
_Des histoires ?

Le précepteur se pencha légèrement vers Maitre toki et chuchota « Elle a tout de même menacé de me renvoyer quand elle en aurait l’age si j’en parlais, preuve que Kyra est plus téméraire qu’on ne le croit. »

_Vraiment ? Voila qui fait chaud au cœur mais je n’en aurais jamais douté.
_Mais que… ?
_Ecoutez-moi bien. Ma fille de dix ans qui est incapable d’écrire de telles choses, se trouve actuellement terrorisée dans sa chambre à l’idée de devoir faire un enfant à un garçon lycanthrope pour lui plaire. Comment osez-vous prétendre que tout ceci ne serait que pure invention !

_Ce n’était qu’une hypothèse ! Mais quelqu’un aurait très bien pu l’aider à…

Le précepteur coupa sa phase quand il réalisa l’erreur qu’il avait commise.

_Et vous mis à part, quelqu’un en aurait-il eu le talent nécessaire?
_Vous plaisantez ? S’offensa t-il piqué au vif. Je suis le meilleur.

Jusqu’à se rendre compte qu’il venait d’en dire trop. Et le couperet tomba :

_ Je vous interdit dorénavant de vous approchez de n’importe quel enfant. Je ne peux me permettre de fermer les yeux sur la menace que vous pourriez représenter. Sachez que l'on vous tiendra à l'oeil. Vous êtes viré.

Le précepteur tomba dénue sur sa chaise. Son monde venait de s’écouler… A cause d’une enfant.
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyVen 25 Déc - 20:18

Voila plusieurs heures que Kyra ne quittait plus sa chambre. Après une longue discussion avec Navi, sa gouvernante, celle-ci finit par capituler et accourir chercher de l’aide. Probablement envers son père mais Kya s’en fichait. Elle se trouvait enfin seule et profitait de cet instant pour se plonger dans des rêveries troublées.
Pas de petits jeux entre copines qu’elle trouvait idiots, aucune obsession pour la coiffure scandaleuse de poupées qu’elle ne possédait pas ; rien de ce en quoi une fillette de son age était en droit de se préoccuper.

Debout face à l’ouverture de la fenêtre, une douce brise pénétra à l’intérieur de la chambre en soulevant délicatement ses longs cheveux noirs. Kyra décida qu’elle répondrait au poète. Il fallait qu’il sache qu’elle n’était pas une femme. Pas vraiment. Pas encore.
Qu’il lui laisse le temps de grandir. Qu’elle souhaitait recevoir d’autres poèmes. Etre amie avec lui pour avoir le plaisir de se confier à quelqu’un. Lui qui la connaissait si bien.

_Tu as fini par t’habiller. Constata Djïn qui l’observait depuis l’autre bout de la chambre dans un coin presque sombre.
_Oui. Navi m’a obligé à mettre une robe. (Kyra se tourna face à lui) Tu vas te moquer de moi ?

Le fantôme adolescent secoua la tête sans dire un mot. Kyra était très importante à ses yeux. Elle seule lui permettait de garder un contact avec son ancien monde. Pour une raison inconnue, cette fille qui l’avait vu périr par les flammes alors qu’elle n’était qu’un bébé, possédait la faculté d’observer et de communiquer avec ce nouveau monde qui était désormais le sien. Djïn ne supportait pas de la voir dans cet état de confusion qu’il ne parvenait pas à comprendre ; elle d’habitude si joviale et dynamique. Il culpabilisait.

_Pourquoi tu restes dans ton coin là-bas ? Finit par demander Kyra.
_Tu es allée voir les loups blancs. Tu as rencontré le poète. Et tu vas m’abandonner.
_Je ne sais pas qui il est. Contra Kyra en fermant les yeux. Je voulais que les loups m’aident à lui répondre, mais… Je croyais… J’espère que le poète n’est pas le chef meute, parce qu’il m’a fait peur ! Navi pense au garçon loup. Mais moi je pense que je le vois tous les jours à l’école et je ne sais même pas qui c’est ! Et tu imagines si c’est un précepteur ? L’autre il était vraiment bizarre hier.
Moi j’en ai marre, je sais pas quoi faire ! Et pourquoi tu restes là bas et tu m’aide pas ?

_Tu vas quand même lui répondre pas vrai ? Demanda Djïn timidement devant l’énervement de son amie.

Kyra remarqua qu’il n’osait pas la regarder. Il se tenait à l’écart alors que d’habitude ils étaient si proches tous les deux. Comme des amis inséparables ! Qu’est-ce qui avait changé ?
La jeune fille fit un pas vers le fantôme et lui posa une question improbable.

_Djïn. Est-ce que… Est-ce que c’est toi ? Le poète.

Le fantôme disparu instantanément sans répondre, quand la porte de la chambre s’ouvrit au même moment. Un homme au regard inquiet et coiffé d’un turban fit son apparition.

_Bonjour. Dit-il. J’aurais peut-être dû attendre ta permission avant d’entrer ? Navi m’a dit que je pouvais.

Kyra le contempla de ses nouveaux grands yeux noirs. Bien qu’elle n’eut peu l’occasion de lui parler, la jeune fille savait très bien qui il était.
D’après son père, Faraz était un homme brave et de confiance. C’était également l’un de ses plus fidèles amis. Le sourire ravissant qu’il affichait en la regardant persuada Kyra que son père avait raison.
Délicatement, comme s’il ne voulait pas risquer d’éveiller un enfant endormit, il ferma la porte derrière lui et tourna la tête, là où Djïn disparut un instant plus tôt.

_Est-il vrai que tu es capable de voir des choses ?

Kyra lui offrit son plus beau sourire. Peu de gens ne prenaient ses dons de vision au sérieux. Elle s’approcha de Faraz en contournant le lit jusqu’à ce qu’un ou deux pas ne les séparent. Kyra devait à présent lever la tête si elle voulait rencontrer ses yeux clairs pour lui répondre solennellement. Oui.

_Je t’ais entendu parler en arrivant. Qui était-ce ?
_Un ami. Révéla Kyra sans oser en dire plus.
_Je vois. Ecoutes Kyra, ton père m’a demandé de t’enseigner mon savoir sur le commerce comme tu manques l’école aujourd’hui. (Ce à quoi l’enfant souffla instinctivement) Oui, moi non plus je n’en ai pas très envie. Tu veux qu’on s’assoie ?

Kyra accepta, et tous deux se posèrent au bord du lit.

_J’ai beaucoup de choses à t’apprendre. Commença Faraz. Mais pas forcément au sujet du commerce. Dis-moi, qu’est-ce qui t’intéresserait ?

Kyra sourit de nouveau. Encore une fois, personne jusqu’alors ne s’était réellement inquiété de ses propres envies. Seul le poète anonyme avait réchauffé son cœur en touchant la femme qui sommeillait en elle. Son père avait raison, Faraz était vraiment quelqu’un de bien.

_J’ai reçu un poème. Avoua la jeune fille. Mais je ne sais pas comment répondre.
_Ah ! S’exclama Faraz, heureux de la tournure que prenait la conversation. Et que disait-il ce poème?
Kyra baissa les yeux et secoua la tête : C’est pas important. Je voudrais répondre non.
_Non ?
La jeune fille sursauta comme Faraz semblait déconcerté. Sa voix se percha dans les aigues alors qu’elle se précipitait de préciser les choses, en oubliant qu’il lui fallait reprendre son souffle de temps en temps.

_Mais je veux quand même en recevoir d’autres ! Je veux toujours lire ses poèmes et je veux aussi y répondre ! Je sais que j’ai pas tout compris mais je peux y arriver aussi ! Alors, vous voulez bien m’aider c’est vrai ?

Faraz esquissa un petit sourire complice envers Kyra et lui caressa affectueusement une épaule.

_Oui Kyra. Si tu me laisses devenir ton ami, alors je pourrai t’aider. Tu es une enfant courageuse et exceptionnelle. Je t’aiderais à devenir une femme. Et toi aussi à ton tour, tu pourras écrire de jolis poèmes…
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyJeu 7 Jan - 20:01

* * *

Interlude et introspections




Précepteur :

La sale petite traînée !

Je ne peux rester sans rien faire et la laisser détruire ma vie. J’ai travaillé trop dur pour voir tous mes espoirs anéantis par cette garce. Je me sens bouillir et prêt à imploser de l’intérieur. Oh non, je ne la laisserai pas me détruire. Il me faut répandre la vérité sur cette enfant. Sa perfidie est en train de faire de nous ses esclaves, ses objets. Et bien sur, son père est trop éblouit par le bonheur de la voir grandir ; bien trop aveugle pour comprendre ce qu’il se passe. A moi de faire porter le message. A nous d’agir.
Oui, elle souffrira comme la douleur qui me paralyse sur cette chaise. Je rendrai les coups au centuple !
Mon destin n’était pas d’utiliser tout mon savoir, toute ma science et ma culture au service d’une machination diabolique. Mais il ne l’était pas non plus de me voir retirer au nez et à la barbe tout ce qui m’était le plus cher au monde. Cette bibliothèque, tous ces livres débordant d’histoire, de tragédies et de culture ; il n’existe rien de plus précieux que la mémoire du monde résidant entre ces pages griffonnées par les plus grands. Je n’ai pas consacré ma vie entière à travailler d’arrache-pied pour m’enrichir de la connaissance et finir remplacé par un puceau !
Je suis irremplaçable. Ces enfants seront perdus sans l’héritage spirituel qui leur est dû. Si je ne suis plus là pour transmettre aux nouvelles générations la souffrance, l’expérience et la mémoire de nos ancêtres, de nos héros, des leçons qu’ils ont tiré de leur vécu… Comment pourrions nous espérer vivre en privant alors nos descendants de leur patrimoine ? Comment évoluer vers une espèce aussi brillante que les anges et leur immense sagesse ? Comment distingueront-ils le bien du mal pour ne pas nous voir régresser à un état primitif ? Je ne laisserai pas une simple enfant mettre un terme à tous mes rêves. Elle doit être éliminée.

Allez, allez… DEBOUT espèce de larve ! Qu’est-ce que tu attends ? Tu trembles misérable insecte ? C’est de cette gamine que tu as peur ? Allez, lève-toi !!
Voila, bien, c’est parfait… Je serai sans pitié.



Lothaire :

Que m’arrive t-il ?

Depuis que je l’ai rencontrée, il m’est simplement impossible de la sortir de ma tête. La lune était si belle dans le ciel quand au milieu de nos chants apparut cette étoile pétillante. J’ai reniflé la peur sur sa peau. J’ai senti son désir et sa malice. Oui elle était terrifiée, mais son courage l’a conduit jusqu’à moi. Je comprends pourquoi mon loup s’est immédiatement sentit captivé par sa présence maternelle. Il est encore jeune, mais l’instinct est plus fort que tout.
Cette enfant n’est pas une louve, et pourtant quelque chose s’est produit. Comment se fait-il qu’elle ait pu contempler ce que seul un lycan est en mesure voir ? Sa venue n’était pas le fruit du hasard. Je regrette de l’avoir effrayée, cela n’en était pas mon intention.
Elle reviendra. Ce n’est qu’une question de temps à présent avant que cette force l’ayant conduite jusqu’à nous ne se manifeste à nouveau. J’en ferai l’une des nôtres pour de bon, et nous aurions bien besoin d’une femelle à l’avenir.

La lune illuminera son chemin dans la nuit et nous chanterons à son retour. Puis nous chasserons ensemble, tapis dans l’ombre, l’ouie aiguisée. Et quand le sang chaud du gibier coulera le long de sa gorge, nous festoierons autour du chêne millénaire pour son avènement. Et la fourrure jaillira hors de sa peau.



Djin :

La vie me manque. Je crois.

C’est que je n’en ai plus beaucoup de souvenirs…Ma mère n’existait que dans les histoires que me racontait mon père. Comme elle, aujourd’hui j’ai quitté le monde de mon père. J’espère qu’il ne se sent pas trop seul. Moi je me sens seul. Je me balade au milieu de la foule, je fais semblant de m’intéresser à ce que cette femme propose sur son étalage. Ce sont… Oui, c’est ça : des tomates. Quel goût avaient-elles déjà ? Je ne sais même plus si j’aimais ça. Alors pourquoi est-ce que tout ceci me manque si j’en oublie un peu plus à mesure que le temps passe ?
Heureusement tu es là.
Je suis mort. Les morts ne doivent pas être supposés se souvenir de leur existence. Après tout, les vivants se rappellent-ils de leur naissance ? Mais toi, tu étais là. Tu étais présente. Ça veut certainement dire quelque chose ! Ne me demande plus de me faire des amis. Je n’en ai pas envie. Et puis pourquoi faire ? Je suis mort je te le rappel ! Ça ne servirait pas à grand-chose. Tout comme cet homme qui passe à travers mon corps, je reste invisible ; irréel. Un songe égaré.

Je vagabonde, j’erre sans but sinon de te revoir. J’arpente l’autre monde à travers le tien et m’envole pour faire glisser un souffle frais sur tes cheveux. Tu souris et je m’éloigne pour mieux te regarder. C’est si beau. J’aime te voir vivre et grandir. Je te hante parce que je n’ai pas de destin, parce que je suis ton fantôme. Ton gardien.



Faraz :


Tu es partie depuis si longtemps… Pourquoi ?

Pourquoi m’as-tu abandonné ? Nous formions une si belle famille avec notre enfant. Tu sais, je lui ai donné tout mon amour et bien plus encore. J’ai fais tout ce qui était en mon pouvoir pour qu’il devienne un brave garçon. Qu’il soit le fils dont nous aurions été si fier d’élever ensemble. Je lui ai tout donné, tout appris. J’étais si fier de lui. Si fier de te retrouver derrière son regard d’azur pétillant.
Pourtant tu me l’as repris. Arraché de ce monde par les flammes, tu as rappelé mon fils avant même qu’il ne puisse devenir un homme. Faire ton deuil a été si dur, alors que le sien est insoutenable.
Dix ans se sont écoulés… dis ans, et je me morfond encore de vous savoir de l’autre coté, moi qui continue ma route en espérant que vous ne m’ayez pas complètement oublié. J’attends mon heure mais elle ne vient pas. Qu’ais-je fais pour mériter de vivre, alors que mon âme est partie avec vous ?
Je suis rongé par la colère et le remord depuis tant d’années qu’il me fallut trouver une échappatoire. Une quête. Si me rapprocher de vous m’est impossible physiquement, en aimant cette âme pure qui assista au trépas de mon fils, je me réconcilie avec vous.
Elle me fascine. J’aurais dû être à sa place parmi les flammes. Je suis celui qui aurait dû brûler en l’extirpant de sa fournaise, plutôt que notre enfant ne sacrifie sa vie pour le bébé qu’elle était. Mon fils est mort par sa faute, mais comment lui en vouloir ? Et pourtant j’ai essayé ! Mais rien à faire.
Cette enfant irradie d’une lumière dont je ne puis en détourner le regard. Elle me dévore de par sa grâce, de par sa jeunesse, son innocence… En me rapprochant d’elle, je me rapproche de vous.

Je suis le poète de mes propres tourments
Et je prie pour qu’enfin nous devenions amants



* * *
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyVen 15 Jan - 20:44

A dix ans, la confiance est quelque chose que l’on peut donner instantanément.
C’est l’une des particularités qui caractérise l’innocence de la jeunesse. Cela devait être pour cette raison que Kyra ne prit pas peur lorsque Faraz caressa tendrement son visage. Ce geste affectueux lui rappelait la tendresse et la protection de son père envers elle.
Faraz lui souriait. Et si Kyra ne possédait pas l’expérience requise pour déceler les sous-entendus que dissimulait l’éclat de son sourire, la jeune enfant parvint tout de même à percevoir la présence d’une émotion forte inconvenante.
Elle se raidit soudainement. Son subconscient hurlait tout le danger que représentait le baiser qu’on lui offrait. Mais son cœur tambourinait si fort dans sa poitrine ; telle la certitude que les mots de cet homme transpiraient l’honnêteté quand il prononça d’un murmure frissonnant : « Je ne te ferai aucun mal ».

La proximité intime des deux corps finit par effrayer l’enfant qui s’éloigna lentement vers la tête de lit. Sans jamais quitter Faraz du regard de peur qu’il n’en profite pour bondir sur elle, bras et pieds glissèrent sur la couverture comme elle essayait de lui échapper. C’est alors que Kyra finit par buter contre le bois massif tandis que l’homme au turban rampait sur elle comme un félin affamé.

_Qu’est-ce que vous faites ? S’inquiétait Kyra d’une voix faible et fragile.
_Ce que tu désires. Répondit Faraz, d’un ton transpirant la vigueur et l’assurance. Je vais t’apprendre la vie.

L’enfant réalisa qu’elle se trouvait piégée lorsque deux bras imposants la cernaient de chaque coté, barrant ainsi tous ses espoirs d’échappatoire. L’homme écarta les genoux pour mieux compresser l’étreinte qu’ils apportaient aux jambes de l’enfant. Emprisonnant son corps juvénile, le buste de Faraz se pencha vers elle.
Kyra ressentait l’étau du traquenard se refermer autour d’elle. Ses petits poings fermés battirent frénétiquement contre l’approche effrayante de ce poids indésirable, de ce corps qui lui promettait un contact si intime. Kyra se mit à paniquer, elle cria. Un cri et un seul. Une note si haut perchée que les vitres autant que les tympans de son agresseur manquèrent de se briser.
L’expression de Faraz se dématérialisa. Il n’avait plus rien de l’homme lui promettant protection et affection. D’une main il attrapa les poignets de Kyra et son regard doux fut aussitôt métamorphosé par les ténèbres glaciales de son expression faciale. Ce regard, cette avidité, cette gourmandise… Cette expression marqua l’esprit de l’enfant d’un traumatisme implacable.
Kyra perdit aussi violemment l’usage de sa voix que Faraz lui arrachant le tissu de ses habits de l’autre main. Seuls ses sous-vêtements apparents derrière les lambeaux déchirés de sa robe préservaient sa dignité. Faraz pressa alors son corps adulte contre celui de l’enfant. Il renifla son cou d’une longue et puissante inspiration, se délecta de son parfum, puis expira bruyamment en laissant s’échapper un râle atroce de plaisir brut.
Le poète plongea ses doigts dans la longue et soyeuse chevelure noire de Kyra. Les paupières closes, il se délectait du contact enivrant que lui procurait l’effluve de leur parfum. Les yeux figés de Kyra se noyèrent dans la détresse de leurs larmes quand une pression terrifiante lui piqua le bas-ventre. Elle hurla. « DJIIIN ! »
Faraz s’immobilisa brusquement. « Qu’as-tu dit ? » Ce nom douloureusement familier lui fit reprendre quelque peu ses esprits.

_Alors c’est lui ! C’est bien lui, celui que tout le monde prend pour ton ami imaginaire.

Quelque chose traversa la chambre et explosa avec fracas contre Faraz. La douleur fulgurante le projeta brutalement au sol. Les pupilles dilatées, il chercha du regard la raison de sa chute improbable, prêt à en châtier le coupable. Les restes éparpillés d’une table de bureau autour de lui le déconcerta un instant. En grinçant faiblement des dents, il arracha une écharde grosse comme un poing plantée dans son bras droit. Personne d’autre que Kyra ne se trouvait dans la chambre.

_Mon fils, c’est bien toi ? Trembla la voix de Faraz. Ainsi tu la protèges, cette enfant qui a assistée à ta mort par les flammes.

Kyra n’avait toujours pas bougé. Elle semblait ailleurs et complètement paralysée par la terreur.
Une tempête s’engouffra dans la chambre. Littéralement. Le vent glacial pareil à une tornade obligeait le père de Djin à se protéger le visage des deux mains.

_Je ne voulais pas lui faire de mal ! Cria Faraz en suppliant le vent déchaîné. Il faut me croire, je t’en prie ! Toi et ta mère me manquez tellement !

Pour réponse, le lit de Kyra lévita à quelques dizaines de centimètres du sol. La fureur de Djin était palpable. Elle obligeait l’enfant aux yeux révulsés de se laissé porter au dessus du matelas, les bras écartés, les cheveux fous s’agitant en tous sens devant son visage.

_Par les déesses… Souffla Faraz de toute sa stupeur. Djin. Oh mon fils… pardonne-moi…
_NOON ! Rugit Kyra dans la tempête glaciale d’une voix qui n’était pas la sienne.

Toute la puissance de la colère du fantôme se déversa sur Faraz tel un cyclone où chaque parcelle de vent n’était que lames acérées. Faraz hurla de douleur, puis se tut soudainement quand la violence de la tempête l’expulsa hors de la chambre par la fenêtre.

Le lit retomba d’un bloc contre le sol. A bout de souffle, Kyra désespérait de retrouver le rythme régulier de sa respiration quand la porte s’ouvrit brusquement.

_Kyra ! Cria Maitre toki dans les décombres de la chambre de sa fille.
_Pa… (Elle toussa difficilement) Papa ?

Les entrailles de Maitre toki se contractèrent cruellement devant une scène qui lui déchira les entrailles de chagrin. Sa fille : à demi nue sous des vêtements en lambeaux au milieu de sa chambre dévastée.
Il accourra la prendre dans ses bras. Kyra tremblait comme une feuille morte, pourtant aucun vent ne traversait plus la pièce. Il y régnait un calme angoissant. Un non-dit lourd de sens et d'inquiétude.

_Par les Déesses, Kyra… Mais que s’est-il passé ?

Ses mots paniqués par la pensée du viol n’étaient que murmures imprécis quand il serra sa fille contre lui. La culpabilité mêlée à la douleur dévoraient son corps et son âme de l’intérieur.

_Non. Il m’a sauvé papa. Répondit-elle faiblement. Djin m’a sauvée.
Je suis désolée, Je suis désolée.
Répétait sans cesse Kyra.
_C’est fini ma puce. On ne te fera plus aucun mal maintenant. Ça va aller, je suis là. C’est fini...


Mensonge.
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyJeu 21 Jan - 18:44

Djin ne reproduisit jamais l’exploit de l’année passée, mais Kyra cessa de le charrier sur le fait qu’il était le seul fantôme à ne pas savoir posséder les choses. Sous le joug de la colère, elle l’avait vu passer à l’œuvre quand il la sauva du crime le plus atroce qu’on pouvait lui faire subir. Malheureusement, l’état de transe du fantôme n’empêcha pas Kyra de perdre une partie de son innocence.
En secret, Djin s’entraînait en vain à soulever d’abord de simples crayons dans les airs. Le fait d’avoir perdu le contrôle sur ses facultés de fantôme l’avait changé. A présent qu’il se savait capable de protéger Kyra, Djin n’errait plus comme un simple spectre égaré. Il avait une raison d’être, un but en tant que fantôme.


Une milice spéciale fut créée en Kaminoi. Jamais un tel budget ne fut consacré à la sécurité. Certains comptables du royaume le traitaient de fou paranoïaque dans son dos, mais Maitre toki n’en avait que faire. Jamais plus l’incident du poète ne devait se reproduire. De plus, ses préparations à la succession de sa fille préoccupaient un grand nombre de nobles qui ne pouvaient croire en son potentiel pour diriger un royaume tel que celui-ci. Par jalousie, misogynie, étroitesse d’esprit ou encore influence d’un ancien précepteur viré, qu’importe. Certaines tentions avaient conduit Maitre toki à redoubler d’efforts afin de garantir la protection de sa fille. Cette milice y était en tous points consacrée.

Navi ne s’était jamais remise d’avoir jeter Kyra dans la gueule du loup. Elle n’était pas la seule. Faraz avait été l’un des plus fidèles amis de Maitre toki durant de longues années. Jamais personne n’aurait imaginé que la mort de sa femme, puis celle de son fils, Djin, ne puisse autant l’atteindre psychologiquement.
Oh, Navi avait bien reniflé les effluves du danger quand Faraz insistait pour monter voir Kyra dans sa chambre. Mais trempée par une pluie de vin et de postillons, il était hors de question d’utiliser son sort de foudre sans risquer l’électrocution. Navi n’avait cependant pas réalisé sur le coup, la combinaison désastreuse entre l’alcool du vin et son invocation Brasier X.
La petite fée carbonisée n’oublierait jamais le malaise qu’elle ressentit lorsque Maitre toki la découvrit blessée aux ailes et incapable de voler au secours de Kyra. Un vacarme soudain ; le regard pétrifié d’un père ; l’impuissance d’une fée estropiée.
Navi perdit l’usage de ses ailes durant un mois entier ce jour-là, avant que de nouvelles ne finissent par éclore dans son dos.


Le jour suivant la tentative de viol, Kyra s’était isolée avec pour seule compagnie une dague fraîchement affûtée. Diverses pensées lui traversaient la tête, mais la plus entêtante eut raison de son geste. D’abord, une simple coupure net. Le souvenir de cet homme reniflant avidement l’odeur de ses cheveux persistait dans son crâne. Il tambourinait le dégoût et la honte.
Kyra perdit tout contrôle de la lame qui tremblait dans une main, une mèche de cheveux dans une autre. Elle s’acharnait sur leur longueur et le souvenir qu’elle représentait. Jamais plus Kyra ne prendrait le risque de les laisser pousser. Jamais !



L’enfant avait bien grandi en l’espace d’un an. Mais son corps n’avait que faire de sa raison lui interdisant toute preuve de féminité. Kyra maudissait la fraîche apparition de ses formes indésirables.
Dorénavant, Kyra ne compterait sur personne afin d’assurer sa protection. Elle avait réalisé que son père ne pouvait la protéger de tous les dangers malgré ses efforts quotidiens. Depuis, il y avait cette nouvelle milice insupportable qui enquêtait sur ses amis, les amis de ses amis, épiait ses faits en gestes… Même ses missives se voyaient étudiées dans tous les sens. Et gare à elle si jamais Kyra oserait en signer une ! Vraiment : in-su-por-table.
Kyra ne voulait plus laisser à qui que se soit, l’opportunité de s’approcher d’elle sans en subir les conséquences. Jamais plus elle ne resterait sans défense. Alors, elle décida qu’il était grand temps d’apprendre à perfectionner ses aptitudes défensives. Et si malgré cela, un être fourbe parviendrait à contourner l’obstacle de ses poings, il suffirait à Kyra de piocher parmi l’une des trente-six lames camouflées dans ses vêtements en guise de présent affectif.
Onze ans et armée jusqu’aux dents.

Puis un matin ensoleillé, une nouvelle brève se percha au bord de sa fenêtre. Kyra s’empara de la missive que l’oiseau lui délivrait. Les tripes comprimées, Kyra se souvenue sans l’ombre d’un effort qu’une seule personne utilisait la brève comme pigeon voyageur.
Le poète était de retour.


Citation :
« Mon innocente,

Tu étais si belle aujourd’hui. Les saisons passent et comme une rose au printemps, tu t’épanouies chaque jour d’avantage. Mes pensées ne te quittent pas. Ton éclosion me fascine et il me détruit de ne pouvoir simplement me glisser dans ton jardin, observer de plus près l’avènement intime de cette beauté fascinante ; la plus extraordinaire et surprenante de toutes les fleurs.
Je t’ai vu. J’étais là, tout près de toi, assis derrière la fontaine. Mon cœur cognait comme s’il voulait s’extirper hors de ma poitrine. Je sentais ta présence, si proche depuis longtemps que mon désir pour toi faillit bien m’autoriser à te toucher, me mettre à découvert, pour toi. J’aurais tant voulu en cet instant sentir ta main apaiser ma rigide frustration. Mais il n’y avait que la mienne.

Je regrette toujours tes longs cheveux de soie, mais le mouvement fluide que tu m’as offert de tes petites mèches contre tes joues m’a comblé de joie. Merci, mon tendre amour. Merci de m’offrir encore le bonheur de te regarder, de m’asseoir près de toi. A chaque instant je suis là. Je ne te quitte pas. Si je vis encore aujourd’hui, c’est pour le seul plaisir de te retrouver. Aucune milice au monde ne pourra jamais nous séparer.
Entourée de tes amis, tu m’as offert un sourire aujourd’hui. Tu savais que je t’observais des buissons. Ma précieuse innocente, tu as souri pour moi.

Je ne l’oublierai jamais. »

Après sa lecture, quand l’oiseau chanta quelques notes mélodieuses avant d’entamer son envol, la jeune fille l’emprisonna entre ses doigts.
Combien de temps encore ? Combien de temps avant qu’il ne se lasse ? Le poète l’espionnait-il réellement tout le long de cette année de silence ? Pour Faraz, Kyra se pencha au bord de la fenêtre. Elle ferma les yeux et caressa tendrement la tête de l’oiseau. Avec une once de pudeur, la faible esquisse d’un sourire égaya même son visage lisse quand le vent souleva quelques pointes de cheveux. La regardait-il encore ?

Kyra tordit le cou de l’animal sans frémir. Son expression sereine ne déserta jamais les traits de l’enfant. Un os qui craque ; un frisson de plaisir.

Cette réponse vous conviendrait-elle cher poète ?
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyMer 27 Jan - 18:25

La pleine lune brillait d’une lueur pale à travers les branches noires osseuses. Une légère brise les articulait comme des doigts cadavériques prêts à saisir la jeune enfant perdue dans les bois. Mais Kyra n’était pas une enfant comme les autres ; le noir n’eut jamais le plaisir d’éprouver la satisfaction de l’effrayer. Les monstres qu’il cachait dans le placard n’étaient pas une excuse suffisante pour la terrifier. A dire vrai, Ils étaient bien moins impressionnants une fois qu’on engageait la conversation avec eux. Kyra ne se privait jamais de les assommer en leur racontant ses journées pendant des heures.
Mais les monstres qu’elle s’apprêtait à rencontrer cette nuit-là n’avaient rien à voir avec la docilité de ses amis fantômes.

Une fois encore, Kyra était affublée des jumeaux gobelins en guise de gardes du corps pour traverser la forêt. Ce n’était pas tant qu’ils s’avéraient utiles en cas de pépins. Au contraire, Pile et Face avaient la fâcheuse tendance à déguerpir au moindre signe de danger. Mais leur présence l’incitait toujours à faire preuve de courage, d’initiative, autant que de bêtises.
Kyra ne pouvait jamais se passer des gobelins lorsqu’il s’agissait de braver toutes les choses interdites. Elle ne l’avouerait jamais à son père, mais Pile et Face n’exerçaient en réalité aucune influence sur elle. C’était plutôt l’inverse.

Cela faisait donc une année complète que le trio de choc ne s’était aventuré si prêt du refuge des loups blancs. Pourquoi fallait-il toujours que la lune soit ronde et étincelante quand il s’agissait d’être discret ? Kyra redoubla d’attention pour ne pas se faire repérer afin d’infiltrer le territoire des loups. Cette maudite lune n’en faisait qu’à sa tête et l’éclairait de toute sa lumière froide.
Quelques frissons électriques parcoururent soudainement le corps de l’enfant. Kyra n’avait ressenti cette sensation qu’en présence des Lycans. Son cœur tressauta dans sa poitrine quand le souvenir posséda son corps et son esprit. Elle venait de comprendre que les loups l’attendaient déjà, et que eux aussi pouvaient ressentir sa présence. Alors Kyra ne chercha plus à se cacher. Elle contourna le chêne millénaire en entrant d’un pas lent mais décidé dans le territoire des loups blancs. Les gobelins ne prirent pas le risque de la suivre…

_Je sais pourquoi tu es là.

Entouré de ses loups, Lothaire, le seul à demeurer encore sous son apparence humaine, invita Kyra à traverser le cercle de fourrures blanches luisant au contact de l'astre vaniteux.

_Je n’ai cessé de penser à ton retour depuis une boucle complète de saisons. Continua le chef de meute. J’attendais cette nuit avec l’impatience de faire de toi l’une des nôtres, car tel est ton destin.
Je ne suis pas là par hasard. Répondit Kyra d’une voix neutre.
_Non. En effet.
_Je suis là pour faire des loups blancs mon armée. J’ai une guerre à mener.

Ces mots n’avaient rien à faire dans la bouche d’une enfant de onze ans. Lothaire en sourit et lui répondit par une question. « Comment une enfant peut-elle avoir besoin de faire la guerre ? »

_Je ne suis plus une enfant. Lui répondit simplement Kyra. Et c’est ce que nous apprennent les précepteurs à l’école. Faire la guerre quand on a des ennuis.
_Des ennuis, vraiment ? Ironisa Lothaire. Et quels sont les ennuis d'une jeune fille comme toi à notre époque?
_Tous les jours je trouve une brève au bord de ma fenêtre avec un parchemin accroché à sa patte. Partout je sens un regard sur moi. Il m’épie et attend le bon moment pour m’approcher, m’envoyant ses poèmes affreux en attendant. On ne me prend pas au sérieux. Tout le monde pense que je dois être protégée, mais je suis la seule capable de l’arrêter. A moi il se montrera. Et je lui présenterai mon armée…
_Mais une armée de Lycans.
_Vous êtes des animaux pas vrai ? (Lothaire se raidit comme piqué par la pointe d’une fourche) Enfin, un peu !
_Nous traquons nos proies, pour nous sustenter.Répondit le chef de meute avec prudence.
_Voila, traquer, exactement ! Il n’y a qu’ici où je suis certaine qu’il ne me regarde pas. Sinon vous le sauriez déjà.
_Tout comme nous savons que des gobelins t’attendent derrière le grand chêne ?

L’expression inébranlable de l’enfant redoubla l’intérêt que Lothaire lui portait. Il se souvenait encore combien elle était effrayée lors de leur première rencontre. Mais pas cette fois. Quelque chose qui n’était pas présent jusqu’alors venait d’apparaître dans les yeux noirs de l’enfant : le désir ardent de la chasse. L’enfant avait grandi.
Kyra était résolument déterminée à traquer et pourchasser le responsable de sa détresse actuelle. Pour Lothaire, aucune louve ne lui aurait été plus digne que celle-ci.

_Tu viens quérir la force des lycans, jeune enfant. Mais les lycans ne se battent que pour leurs semblables. Pour leur meute. (Il sourit, mais d’un sourire sans joie) Attrape donc ce jeune loup si tu en es capable.

Kyra le reconnu immédiatement. C’était le garçon sous forme animale avec qui elle se sentit étrangement liée simplement en caressant son pelage fin. Il s’approcha d’elle avec la grâce que seul un loup peut prétendre détenir. Kyra se pencha alors pour le prendre dans ses bras, et l’animal s’arrêta aussitôt. Plissant les sourcils, l’enfant fit un pas vers le loup qui bondit en arrière. Ce petit jeu ne l’amusait vraiment pas.
Les bras en avant, Kyra se jeta sur lui dans l’espoir de le saisir. En roulant sur le sol, une douleur vive lui parcourra le bras qu’elle venait d’écorcher. Derrière elle, le jeune loup balançait mollement sa queue en la regardant avec intérêt. Qu’il ose la narguer ainsi lui était insupportable. Kyra fut alors prise d’une folie étrange et entama une course poursuite avec le loup. Très vite, les muscles de ses jambes se mirent à brûler tandis qu’elle essayait de le rattraper, mais l’animal était bien trop rapide.

Soudain, une clameur qui s’éleva derrière elle, électrifiant des sens dont elle ne soupçonnait même pas l’existence. Les loups blancs chantaient un appel à la lune. Cette dernière leur répondait à sa manière. Kyra le ressentait parfaitement.
L’enfant ne courait plus : elle s’élançait à perdre halène. Bientôt, Kyra vit le paysage défiler en de simples traînées horizontales alors qu’elle fondait à travers les arbres de la forêt. Les branches cherchaient en vain à la retenir, la griffant aux bras, aux jambes et au visage.
Deux lueurs pales reflétaient la lune dans la prunelle de ses yeux. Comme si des fourmis dotées de pâtes aussi aiguisée qu’un couteau à viande l’envahissait d’un courant électrique, la peau de Kyra se mit à la démanger si fort qu’elle voulu l’arracher. Laisser s’échapper une bête prisonnière de son enveloppe charnelle.
Le souffle court, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine par l’excitation de la chasse, Kyra ne résista plus à l’appel de la lune et libéra l’animal qui naissait en elle.
Le jeune loup perdait du terrain. Bientôt Kyra le rattraperait. Cette simple pensée accru son excitation alors qu’elle gagnait en vitesse. Ses deux jambes ne lui suffisaient plus pour atteindre son but. Kyra bondissait à quatre pattes à travers la végétation sombre.

La lune éclairait son chemin, si bien que l’obscurité n’était plus un obstacle pour elle. Kyra voyait tout et rien à la fois. Le temps semblait suspendu dans sa propre course jusqu’à ce que l’enfant ne sente la fragile douceur d’un corps à bout de force entre ses griffes. Elle ressentait le sang chaud qui circulait à l’intérieur du jeune loup comme un torrent au bord d’un précipice. Elle renifla l’odeur de la peur.

La faim submergea Kyra. Une faim de loup.
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyMar 2 Fév - 18:23

Citation :
« Cher poète,

La plume vous est aussi fidèle que la volonté dont j’ai fait preuve pour vous ignorer tout ce temps. Je ne suis plus la fille que vous avez connue il y a de cela deux ans désormais. Vous devez apprendre à m’oublier, car jamais vous n’obtiendrez de moi ce que vous désirez ardemment.
Vous m’avez privé du droit de grandir. Le simple souvenir de vos lèvres sur les miennes m’oblige à user toute l’énergie dont je dispose afin d’interdire à mon estomac de rendre mon dernier repas.

La milice de mon père nous oblige à garder nos distances, mais ne croyez pas que lorsque je souris à mes amis, c’est un cadeau que je vous fais. C’est un dû. Je me dois d’entretenir cette relation à distance car il m’est désormais impossible de chasser mon plus profond désir. Celui de me retrouver seule avec vous et d’assouvir une soif intarissable.
Ce n’est pas une simple enfant qui vous parle. Je suis une femme désormais. Une femme à l’instinct animal qui n’a plus d’autre ambition que de répondre positivement à votre toute première requête. Je vous en prie, finissons-en. Mettons fin à tous vos poèmes.

J’accepte votre invitation sous le grand chêne millénaire. Ce soir.


Je ne peux signer cette missive. Je m’interdis de vous faire cette offense, car vous seul n’avez jamais cessé de voir la femme que j’ai toujours été. Grâce à vous, aujourd’hui j’ai enfin trouvé les mots pour vous répondre. »

Plus jeune, Kyra adorait s’amuser à poursuivre les gobelins malgré les interdictions de son père. Finalement, les loups blancs n’avaient fait que réveiller son propre instinct de chasseur. Cela faisait déjà un an que Kyra rejoignait régulièrement les loups blancs en toute discrétion jusqu’à faire partie intégrante de leur clan. Elle avait commencé par apprendre à attraper l’un des leurs, un jeune loup, mais très vite Kyra arriva au stade de la chasse aux rongeurs, puis celui des lièvres, des faons et même des sangliers. La chasse à l’homme serait l’ultime étape avant que son corps ne développe une puissance dont elle ne soupçonnait même pas l’existence.
Depuis leur première rencontre, Lothaire avait décelé quelque chose de particulier chez cette enfant. Si la lycanthropie n’en faisait pas partie, c’est que dans le sang de Kyra coulait un pouvoir bien particulier ; mais rien qu’il ne saurait révéler. Kyra n’avait définitivement pas besoin d’une armée de lycans pour se défendre.
C’est ce qu’elle n’allait pas tarder à découvrir.

Un matin de sa douzième année, Kyra s’était emparée de l’oiseau porteur d’un nouveau message de Faraz, dit le poète. Elle ne l’étrangla pas comme cela lui était arrivé une fois, préférant l’enfermer dans une cage. Le temps d’écrire une réponse -la seule et unique- Kyra finit par libérer la brève de sa cage afin de lui accrocher la missive sur une patte. La jeune demoiselle s’était donnée bien du mal afin d’apprendre à écrire comme une grande Dame de ce monde. Kyra était assez fière de constater que ses efforts avec le nouveau précepteur littéraire portaient enfin ses fruits.
L’oiseau s’envola sous la douceur du soleil matinal à la rencontre de son maître. Ce dernier serait certainement très surpris de recevoir quelques mots de Kyra, qui elle aussi avait apprit à écrire tout en images et métaphores. Il faut dire qu’elle était à bonne école, puisque deux ans s’écoulèrent depuis le premier poème ambigu d’une longue et éprouvante série.
Ce soir, le poète et Kyra se rencontreraient en toute intimité. Personne, et encore moins la milice chargée de sa protection n’en seraient témoin. Les risques considérables qu’elle prenait ne l’effrayaient pas. Kyra mettrait un terme à toute cette mascarade qui la fatiguait.
Ce soir, quelqu’un allait mourir. Quoi qu’il se passerait, jamais plus Faraz ne la harcèlerait.

***

La silhouette encapuchonnée se matérialisa dans la pénombre telle une apparition irréelle. Enlacée par une nuit sans étoile, la forme incertaine avançait prudemment vers lui. Son cœur trépignait d’impatience. Sous le tissus se cachait celle pour qui le muscle de sang s’emballait par le simple fait de l’imaginer auprès de lui, ne serait-ce que le temps d’une nuit.
Lorsqu’elle s’arrêta devant lui, si proche et si insupportablement loin à la fois, aucun d’eux ne prononça un mot. Aucun bruit aux alentours, si ce n’était le faible crépitement du feu les éclairant. Le poète était bien décidé à rajouter une certaine touche de romantisme à l’affaire. La foret elle-même semblait aux aguets. Le temps était comme suspendu, jusqu’à ce que Faraz ne reprenne le contrôle de ses émotions.
Une main à peine tendue vers la silhouette lui permit de relever tendrement la capuche bleue marine de sa promise. La lumière chaude du modeste feu dévora les ténèbres qui emprisonnaient la capuche sombre, révélant ainsi au poète le visage innocent de Kyra encadré de ses courts cheveux bruns. Ses grands yeux noirs exprimaient l’esquisse d’une appréhension dans laquelle Faraz aurait pu se noyer éternellement. Mais le sourire qui suivit, lui, ne trahissait aucune crainte, si ce n’était le soulagement d’être enfin seule avec lui.
Faraz lui rendit son sourire. Doucement, il se pencha à ses lèvres ; les effleura un instant ; dévia légèrement sa trajectoire et lui déposa un chaste baiser sur la joue. « Qu’il est bon de nous retrouver enfin, ma tendre innocente. »
La mâchoire de Faraz claqua d’un bruit sourd quand le poing de Kyra la lui déforma d’un coup brutal.

_Garce ! Cracha le poète, autant de surprise que de sang dont un postillon écarlate percuta le front de l’enfant.

L’expression de Kyra n’avait pas changé. Toujours silencieuse, elle observait la réaction de Faraz sans émettre le moindre mouvement. Furieux, ce dernier la saisit par le col et lui arracha violemment la cape qu’il balança derrière lui. Le reflet des flammes irradiait des lames que la cape de Kyra dissimulait avant de lui être arrachée.
Déconcerté, Faraz repoussa l’enfant armée jusqu’aux dents. Un voile d’incompréhension traversa son regard.

_Il y en a trente-six. Révéla Kyra d’une neutralité terrifiante. Vous voulez compter ?
_Oooh ! Comme l’innocente a bien grandit. Emit Faraz d’une voix étonnamment calme. Tu veux jouer, très bien. Jouons.

Faraz évita un pied qui siffla juste devant son nez. Il comprit que ce geste n’était que diversion quand un coude s’enfonça dans ses reins. La petite était vivace. Il ne la sous-estimerait plus. Kyra se déplaçait vite et enchaînait des coups précis comme une lionne affaiblissant sa proie avant de la dévorer.
L’effet de surprise passé, Faraz visualisa la prochaine attaque de Kyra et lui bloqua le genou qui manqua d’écraser son entrejambe. C’était bien la dernière chose qu’il lui laisserait abîmer.
Une puissante gifle déséquilibra Kyra qui tomba sous le poids de l’homme, évitant de justesse le supplice épineux des roses rouges qui poussaient autour de l’arbre (autre détail qui n’avait plus rien de romantique dans l’esprit du poète).
Son innocente n’avait décidément pas perdu de temps en deux ans. Elle s’était entraînée dans tous les domaines afin de programmer leur rencontre. Il se délecterait infiniment plus de cette nouvelle passion qui l’animait lorsqu’il serait en elle.

A califourchon sur Kyra, Faraz tenta de lui ôter son haut mais une lame mordit la chair de sa main comme l’interdiction d’approcher d’avantage. Il recula par réflexe et vengea le sang qui coulait déjà en pressant la gorge de Kyra. « Ce ne sont pas quelques pauvres aiguillons qui m’arrêteront. »
Les jambes de l’enfant battirent frénétiquement dans le vide. Les bruits liquides de strangulation résonnaient dans la nuit le vacarme d’une agonie douloureuse. Faraz compta à mesure où il déshabillait lentement Kyra de ses lames affûtées. « Une… deux… trois… quatre... »

Soudain, un nuage noir s’abattit sur Faraz. Aveuglé par une cagoule opaque qui le tira en arrière, il libéra sa victime de l’étreinte de ses mains et plongea sur le dos. Kyra recracha air et salive de ses poumons par une quinte de doux infernale. Elle n’avait pas besoin d’utiliser ses dons de vision pour savoir qu’à nouveau Djïn venait de lui sauver la vie. Mais Faraz repoussa immédiatement la cape de Kyra qui flottait sur son visage avant de s’emparer d’un morceau de bois enflammé.

_Ah, mon fils ! C’est encore toi n’est-ce pas ? Papa et Kyra jouent à des jeux d’adultes. Tu n’as rien à faire ici. Va-t-en !

La cape flottait toujours dans les airs mais ne semblait pas vouloir approcher d’avantage. Faraz regarda la torche qu’il tenait dans la main. Son visage s’illumina d’un sourire sournois dont l’éclat chaud et vacillant du feu en décupla la cruauté.

_Mais bien sur… Rappelle-moi comment tu es mort déjà ?
_Djïn !
_Par le feu !

Kyra venait de reprendre l’usage de sa voix quand Faraz lança le bois enflammé en direction de la cape. Faraz éclata de rire. Aussitôt le feu dévora le tissu qui s’écrasa mollement sur le sol. Djïn ne pouvait luter contre l’élément qui jadis causa son trépas et disparu. Son père l’avait très vite compris et utilisait ce point faible sans scrupule pour chasser le fantôme de son fils.
La peur envahit Kyra comme le poison détruit les organes. Chaque flamme représentait le traumatisme infantile qu’elle subit lors de l’incendie ayant coûté la vie de son fantôme. Elle ne s’était même pas relevée, laissant à Faraz tout le loisir de tracer un cercle de feu dont ils en étaient le centre. Il cueillerait sa virginité là, à la frontière des roses rouges, tout romantisme finalement conservé.

Cette fois personne ne les dérangerait plus. Les pupilles dilatées de Kyra prouvaient que Faraz avait gagné. La chaleur tirait des larmes de sueurs sur la peau de Kyra qui pourtant frissonnait comme un grand froid. Ce n’est pas ce qui aurait dû se passer. Elle se revoyait à l’age de dix ans face à lui : seule et impuissante. Lothaire s’était trompé sur son compte. Comme la dernière seconde avant la mort, dans sa tête des images défilaient à vitesse irrégulière. Des brides de souvenirs. Des sensations. Un déchirement.

Ce dernier n’était pas un souvenir. C’était Faraz lui arrachant son pantalon...
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyDim 7 Fév - 21:30

L’excitation de Faraz atteignit son paroxysme lorsque l’enfant prisonnière de ses reins poussa son premier cri. Il était temps ! Faraz n’avait aucune envie d’un corps inerte sous le sien. Encerclés par un mur de feu, rien ne pouvait briser leur intimité. Seules la lune et les étoiles auraient pu devenir les uniques spectatrices silencieuse au dessus de leur tête. Pudique, la nuit préféra se couvrir de lourds nuages sombres comme pour fermer les yeux à leurs ébats. Ils étaient seuls au monde, allongés près d’un lit de roses rouges sous la protection du grand chêne millénaire.
Faraz décida qu’il était injuste que Kyra soit la seule à avoir perdu son pantalon. Aussi se raisonna t-il qu’il était temps de corriger cette erreur…

Kyra se figea instantanément à la vue de la proéminence exposée. Quelque chose en elle se brisa, si bien que se débattre lui devint impossible. Même son cœur qui martelait sa poitrine se figea un instant sans donner le moindre signe de vie.
L’homme lui sourit. Le rictus d’une arrogance suprême le défigurait : celui du dominant qui allait enfin dévorer la proie à sa merci. Kyra eut l’impression d’avoir tout le temps du monde pour graver à jamais dans sa mémoire, l’expression du pervers qui s’apprêtait à entrer en elle.
Quand une douloureuse violence explosa à l’intérieur de ses entrailles, la jeune fille se mit à hurler comme jamais elle ne s’en serait crue capable. Une nouvelle énergie alimentait chacun de ses muscles d’une force qui lui était totalement étrangère.

Elle hurlait
: car chaque ongle de ses dix doigts transperçait la chair des avant-bras du violeur.
Elle hurlait : car jamais elle ne lui permettrait de commettre l’irréparable.
Elle hurlait de rage à s’en déchirer la gorge, encore et encore, plutôt que lui ne lui déchire autre chose.
Puis le souffle vint à manquer…


… Et le craquement du cartilage nasal de son agresseur contre son front lui fit retrouver une parcelle de dignité.

Le sang coulait à travers les fissures de son nez ; pourtant Faraz riait aux éclats. Il n'allait certainement pas en rester là! L’hémoglobine glissait entre ses dents et son sourire lui conféra une allure de bête sanguinaire. Il agrippait toujours sa proie et se moquait de sa ténacité autant que de voir remuer cette sale petite traînée l’excitait. Rien ne pourrait jamais l’empêcher de plonger à l’intérieur de sa terre promise. L’impatience se lisait dans ses yeux fous aussi clairement que le plaisir prodigieux qu’il ressentait.
Les paupières closes, le visage de Kyra exprimait un mélange de furie et de douleur, jusqu’à ce que l’esquisse inachevée du premier coup de rein ne la marque d’une ride creusant sa peau lisse de douze ans. Juste là, entre les deux yeux.
Tout bascula.

L’homme gesticulait comme une larve, tortillé sur le dos au milieu d’une mer rouge aux épines acerbes. Il ne réalisait pas encore ce qu’il venait de lui arriver. Les mains de Kyra n’étaient plus que griffes acérées recouvertes de fluides chauds. Elle ne sentait même pas les roses qui lui écorchaient la peau.
La protubérance de l’homme se retrouva pathétiquement recroquevillée quelque part entre Kyra… et son ancien propriétaire.

L’enfant ouvrit des yeux de loup. La douleur électrique dans ses entrailles n’avait pas disparu depuis l’éveil de sa bête. Mais étrangement, Kyra se sentait comme dans un rêve, détachée de toute réalité. Dans sa transe, elle se voyait bondir sur le ventre du poète, entendait parfaitement les pleurs et les cris d’agonie qui couvraient ses propres rugissements bestiaux. Mais pour la première fois, Kyra se sentait sereine et en parfaite harmonie avec elle-même, ne se souciant aucunement de ses griffes déchirant peau et viande de celui qui tenta de la violer. Elle se découvrit alors agripper les mâchoires inférieur et supérieur de Faraz. Et toute lucidité reconquise, elle écartela violemment la bouche d’un coup sec. La nuque de son agresseur se devisa aussitôt. Kyra hurla à la lune.

Un éclair jaillit à travers le ciel. Sa lumière blafarde éclaira furtivement l’œuvre macabre de la jeune innocente. Tétanisée par cette image atroce, la jeune fille refusait d’en croire ses grands yeux noirs ahuris. La liqueur écarlate du sang chaud coulait lentement sur le sol. Sa texture lisse aux reflets métalliques engloutissait les roses rouges aplaties par le corps du cadavre. La pluie brisa la résistance des nuages et se déversa sur elle comme un torrent tiède et poisseux qui n’avait rien d’agréable. Le feu perdit de son éclat et toute lumière déserta lentement la scène du corps écharpé.
Kyra ne parvint pas à détacher le regard de ce spectacle fascinant. Les roses rouges, noyées par la pluie mélangée au sang frais. Le rouge… Kyra venait de découvrir sa couleur préférée.

Non, impossible... Ce n’était pas elle. Ce n’était pas elle qui avait fait ça.
Pas vrai ?
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyJeu 11 Fév - 20:52

Epilogue 1/2


Deux ans s’écoulèrent.
Kyra avait quatorze ans quand elle se remémorait dans les moindres détails chaque instant de sa première confrontation avec la mort. Les fantômes qu’elle côtoyait tous les jours n’avaient rien à voir avec ce qu’elle avait commis. Donner la mort, la programmer et s’enivrer du pouvoir qu’elle conférait… A coté d’elle, les fantômes étaient des anges.
Ce jour là, Kyra avait été l’instrument de la mort. Ce jour là, Kyra recouvrit la liberté et le droit de vivre. Ce fut ce jour là, où Kyra perdit son innocence.


Mais aujourd’hui : ses vieux démons brisèrent la pierre de leur tombeau et s’en extirpèrent pour de nouveau la hanter : lui envoyer une brève et son message poétique. Comme au bon vieux temps.


Citation :
« Mon innocente,

Le temps n’a d’impact que sur le jaunissement des parchemins. Les souvenirs eux, comme la roche insensibles aux vas et viens de l’eau salée sur son dos : demeurent intact. Toi qui plongeait tes mains douces au plus profond de mon être ; toi qui tenait mon cœur dans la pomme de tes mains ; m’attendrais-tu encore?
Notre histoire ne mérite aucune fin. A jamais, pour toujours, je suis l’amant d’une jouvencelle éternelle. Nous sommes liés par la force inépuisable d’un amour irrationnel ; passionné. Non petite fille ne m’attends plus. Pourquoi se cacher ? Cela ne fait qu’alourdir notre peine. Cette fois-ci je viendrai à toi.

Aimons-nous devant tous ces gens. Je suis l’un parmi tant d’autres, celui qui observe et celui qui admire la femme que tu es devenue. Aujourd’hui comme hier tu es bien entourée. Aussi ma petite femme, non ne m’attend plus.

Je suis déjà là. »


Une gifle sortit Kyra de sa torpeur. Secouant la tête, ses mains se mirent à trembler comme si son corps était congelé. Le parchemin se matérialisa en de nombreux pétales de papiers emportés par le caprice du vent.
Même si le froid n’existait que dans sa tête, l’adolescente éternua, se rappelant que les duels organisés par son père n’étaient pas terminés. Elle remercia l’enfant alchimiste de l’avoir aidé à retrouver ses esprits et se précipita vers l’arène. Les tripes serrées, la gorge nouée et un raz de marré menaçant de troubler ses yeux d’une chute de larmes incontrôlable, l’adolescente tenta de se raisonner.

Faraz ne pouvait être vivant, c’était impossible. Elle avait tué le poète de ses propres mains et le reste de son corps en charpie fut dévoré par les loups. Personne n’aurait pu survivre à ça ! Evidement, Kyra savait très bien que l’impossible n’était qu’un facteur éphémère en ce bas monde. Le fantôme de Faraz la pourchasserait-elle ? Quelqu’un avait-il imité son écriture afin de troubler sa concentration et lui faire perdre ses duels ?
L’esquisse d’un vieux démon qui traversait furtivement la foule s’imprima dans son esprit. Etait-ce un rêve, ou Kyra venait-elle d’apercevoir l’ombre de son ancien précepteur déchu de ses fonctions par sa faute ?

Kyra jeta un coup d’œil vers son père qui venait de reprendre place sur son siège. Il observait sa fille d’un œil averti, comme si il s’attendait à ce qu’elle produise quelque chose d’intéressant. En vérité, Kyra était fatiguée de tout ce cirque. Elle ne voulait qu’une chose : vivre sa vie comme elle l’entendait. Au diable les vieux démons !
Pourtant, il lui était absolument hors de question de décevoir son père et les gens qui comptaient sur elle. Alors rien que pour emmerder ses détracteurs, Kyra remporterait les derniers duels et dirigerait le nouveau Kaminoi. Précepteurs, fantômes, nobles envieux ou encore poètes ratés, ils pouvaient tous aller se faire emplumer !

Toute confiance retrouvée, Kyra la perdit aussitôt quand elle découvrit l’identité de son prochain adversaire : Maitre toki, son propre père.

Armée de son sac à bandoulière cracheur de feu et de ses deux nouveaux acolytes, Kyra ne se sentait pas moins sans défense. De tous les adversaires qu’elle s’imaginait pouvoir rencontrer, son père et l’arbitre loup-garou qui électrifiait sa peau étaient ceux qu’elle redoutait le plus.

_Teia, Morgane, je vous interdis de me faire faux bond.
_A trois contre un, c’est limite illégale. Se moqua l’expert au combat à mains nues.
_Ne te laisses pas distraire ! Mon père est un puissant illusionniste doublé d’un sens étrange de la dérision.
_Des bananes tournent au dessus de sa tête… S’indigna Moragne, la mage de guerre.
_C’est exactement ce à quoi je fais allusion. Ne vous laissez pas surprendre par ses tours !

Le visage de Maitre toki esquissa un sourire farceur lorsque le trio découvrit la double hache massive qu’il dissimulait sous son long manteau beige lui tombant jusqu’aux chevilles. Morgane et Teia eurent un mouvement de recul à la vue inquiétante de l’arme inattendue.
Bin voyons. Une double hache, rien que ça ! Le père de Kyra maîtrisait peut-être le maniement de l’épée, mais il n’avait pas la carrure pour manipuler une telle arme. L’adolescente secoua la tête et leva rageusement les poings dans leur position de combat.

_Cette illusion est trop énorme pour être crédible papa. Tu ne crois quand même pas que je suis idiote à ce point… La hache est un leurre !

Teia profita de cette information et bondit le premier sur Maitre toki ; Morgane le suivit d’une enjambée dynamique. Le premier percuta le plat de la lame qui le propulsa vulgairement au sol comme on balaye un tas de feuilles mortes. La seconde plongea in extremis sous le revers de la hache par un réflexe bienvenu. Les yeux de Kyra s’exorbitèrent de surprise.

_Si cette chose est un leurre, demain je prends un bain. Railla Morgane.
_La hache est comme ton odeur corporelle. Lui répliqua Teia en se relevant douloureusement. Je l’ai bien sentie celle-là.
_Une phrase que tu ne risques pas d’entendre de la bouche d’une femme...

La double hache du père de Kyra virevolta dans les airs comme si il ne s’agissait que d’une plume. Le tranchant de la lame fendit violemment le sol, exactement où se trouvait l’adolescente un battement de cils d’Alaena plus tôt.
Car c’est bien elle, sa demi-sœur, que Kyra venait de découvrir sur le siège qu’occupait Maitre toki depuis le début des duels. La bougre lui avait subtilisé sa place pendant son absence et se permettait même de faire des grimaces à Kyra pour la narguer.
Quant à sa jumelle qui se tenait debout juste à coté, celle-ci mimait des coups de poings et autres crochets du gauche en affichant un regard déterminé. Un peu comme si elle encourageait la fille de Maitre toki de lui mettre une belle raclée.
Des deux Alaenas, l’excitée énergique encourageant Kyra semblait bien plus réelle que le pitre qui lui tirait la langue en agitant ses mains devant ses oreilles. La demi Haute Elfe n’ayant jamais eut de sœur jumelle, Kyra en déduisit qu’il s’agissait certainement d’une intruse.

L’adolescente s’élança au dessus de Maitre toki en prenant appuis sur le manche de sa hache toujours encastrée et atterrit dans son dos. Teia et Morgane se placèrent de façon à ce que le trio encercle Maitre toki qui luttait afin de récupérer sa hache décidément bien ancrée dans le sol. En son fort intérieur, la mage de guerre se félicitait de l’efficacité de son champ de force magnétique.
Maitre toki était cerné.

_ Pouce !
Revenir en haut Aller en bas
Maitre Toki
Dragon °~° Aliéné
Dragon °~° Aliéné
Maitre Toki


Nombre de messages : 10720
Age : 40
Royaume : Kaminoi
Race : Humain
Dragon : Morpah
Date d'inscription : 16/01/2005

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. EmptyDim 14 Fév - 21:39

Epilogue 2/2


_Pouce ?? C’est un blague j’espère ! Fit une Morgane déconcertée.
_Tokette la manchette qui sait pas manier la hachette ! Cria Alaena, tandis que son double la foudroyait du regard.

Aux yeux de Kyra, les choses s’éclaircissaient jusqu’à en devenir limpide. Seule la véritable Alaena aurait pu sortir une réplique aussi profonde. L’adolescente savait avoir vu juste : l’intruse était bel et bien la jumelle assise sur le siège de Maitre toki. Restait à déterminer qui elle était.
Ses yeux : Kyra les révulsa. Elle utilisait ses dons de vision afin de déterminer en premier qui se cachait derrière son adversaire supposé être son père…

_Un loup ! Hurla l’adolescente de son regard aveugle visant Maitre toki (Elle trembla). Mon… mon père est un Lycan ?

Las de tirer en vain sur le manche de sa double hache, Maitre toki –ou le loup aux yeux de Kyra- tourna son regard d’acier vers l’adolescente en lui souriant de tous ses crocs. Un choc électrique qu’elle aurait dû ressentir plus tôt lui parcourra l’échine. Peut-être n’y prêtait-elle simplement plus attention comme l’arbitre lui procurait déjà cette sensation.
L’arbitre ? Quel arbitre ? Kyra ne le retrouvait plus. La confusion du combat et les dernières informations à digérer eurent raison de ses sens. Si pour un spectateur externe rien ne semblait avoir de sens, il en était de même pour chaque personne présente autour de l’ère de combat.

C’est alors qu’une idée traversa l’esprit de l’adolescente.
Le loup bondit les griffes en avant, mais Kyra en proie à ses réflexions ne réagit pas à temps. Ce qui la sauva de finir déchiquetée ne fut autre que les réflexes de Teia et Morgane. Ils s’étaient agrippés « aux pattes arrière de l’animal » et tachaient de le retenir alors qu’il se débattait sans relâche.
Kyra promena son regard révulsé vers les jumelles Alaenas. L’une d’entre elles brillait comme un lingot d’or, alors que l’autre n’était plus qu’une banane exécutant une danse étrange de flexions et extensions synchronisées des bras et des jambes.

_Bien sur : mon père est Alaena ! (Une réplique qui figea le lycan comme si il venait de percuter un mur de plein fouet). Sur le siège là bas, celle qui déforme son visage. Je t’ai reconnu papa, c’est plus la peine de te travestir en ta nièce et faire des grimaces ! C’est malsain comme illusion…
_Bon, bon… Capitula l’illusionniste en recouvrant son apparence. C’était juste pour le plaisir de te voir sous pression. Se justifia t-il en se grattant la nuque.
J’ai réussi à t’énerver ? Ça y est tu es en transe ?
_Mais alors c’est qui ça ? Coupa Teia en lâchant instinctivement l’adversaire de Kyra.

Libéré de ce poids et de l’illusion de Maitre toki, l’homme chauve se jeta sur Kyra en enchaînant deux coups de poings. L’adolescente recouvra sa vue normale tout en parant le premier heurt de son avant-bras gauche. Elle bondit en arrière et fronça les sourcils :

_Mais vous êtes l’arbitre ! Vous n’avez pas le droit de combattre, dégagez de là !
_Arbitre, moi ? Je ne suis qu’un concurrent comme les autres. (Il s’inclina légèrement) Mon nom est Micah. D’accord, le véritable arbitre est en « absence maladie » et l’on m’a chargé de le remplacer. Un vieux bonhomme bien étrange… Je n’en reste pas moins le plus terrible de tes adversaires maintenant que j’ai eu tout le loisir d’observer tes techniques… Et je crois bien que c’est pour cela qu’il m’a engagé !

Le faux arbitre fondit sur Kyra qui effectua une nouvelle parade. La douleur du choc la fit reculer alors qu’elle gonflait déjà sa poitrine dans l’optique d’une riposte du bras droit. Les deux adversaires bloquèrent mutuellement leurs attaques mais la force brutale de Micah lui arracha une plainte. Les vibrations qu’elle ressentait dans le bras se répercutèrent à travers tout son corps et semblaient ne jamais vouloir la quitter. Le plus étrange, c’est que Micah lui-même semblait soudainement paralysé par les même sensation d’aiguilles acérées grignotant leur peau. L’adolescente ne pensait pas posséder une telle force.

Deux émeraudes noires s’incrustèrent dans le regard possédé de Micah, preuve qu’il ne contrôlait en rien le phénomène inexplicable qui l’habitait. Bientôt, des veines saillantes de la même couleur épousèrent la forme de son visage. On devinait un liquide sombre se mouver à l’intérieur. Cela n’avait définitivement rien à voir avec du sang.
Une voix rauque et caverneuse s’échappa de sa gorge gonflée par des hématomes fraîchement apparus :

« L’innocente a tellement bien grandit. (Un sourire qui ne lui appartenait pas déchira le visage de Micah). As-tu bien reçu ma petite brève ? Oui, c’est bien moi ma douce petite fleur. Comme promis je suis là désormais. Rien ne nous séparera plus, car telle est ma volonté. »

Si quelques instants plus tôt la douleur paralysait l’adolescente, à présent Kyra ne ressentait plus rien. Figée par une terreur inexplicable, elle écarquillait de grands yeux immaculés en observant la bête qui possédait le corps du lycanthrope. Ses yeux aveugles assistaient à une lutte effrénée entre le loup et la chimère. Pour les autres, Micah paressait simplement souffrir d’une migraine atroce.

Une lignée de crocs plongea vers ce qui ressemblait à une queue de serpent couverte d’écailles écarlates jonchée de piques acérés en son extrémité. La gueule du loup ne parvint pas à atteindre sa cible : des bras colossaux terminés par des mains griffues noircies de sang séché s’agrippaient à la chair de son cou. La bête resserra son étreinte. D’infimes ruisseaux d’hémoglobine coloraient ses mains avant de suivre la tranchée de ses muscles monstrueux.
Si le diable existait, Kyra savait se trouver devant lui.
Et il s’abreuvait du sang de sa victime en dépliant une langue mauve de sa gueule asymétrique.


_Tout ceci n’est pas réel. Parvint-elle à articuler difficilement. Vous êtes factice. Le poète est mort, je l’ai tué de mes propres mains. Vous n’êtes qu’une abomination conjurée par… un grand malade visiblement.

Un son atroce pareil au sifflement acerbe d’une meule contre l’acier agressa les tympans de Kyra. Sans comprendre pourquoi, elle en reconnaissait là le rire irréel de la chimère.

« Un homme est mort. Corrigea la bête. Grand bien lui fasse. Mais tes cauchemars eux : sont éternels. Je saurai en tirer parti. »

Kyra ressentit son corps réagir aux prémices d’une transe qui risquait de lui faire perdre tout contrôle de ses actes. Cette même transe qui la poussa à réduire le corps de Faraz en un hachis de viande méconnaissable. Elle serra les poings jusqu’à enfoncer ses ongles dans la peau, mais la douleur n’y changea rien. Des pupilles jaunes embrasèrent son regard en même temps que l’apparition de membres griffus à la place de ses bras. La foule poussa un cri d’horreur en voyant Kyra se transformer en louve, mais la chimère ne s’y méprit pas.
Ni poil ni fourrure ne surgirent de son corps d’adolescente : mais des écailles et de longues serres aussi puissantes et résistantes que celles d’un dragon.

La chimère avait déjà disparu quand Kyra pilonnait le visage de Micah à coups de poings déformés. Son état de transe s’estompait à chaque coup donné jusqu’à ce que sa mâchoire lui autorise à crier en boucle : Qui t’as engagé ! Qui t’as engagé ! Qui t’as engagé !
Mais Micah ne parvint pas à lui répondre. Il était là, et pourtant ailleurs. Mort et vivant à la fois.
Morgane et Teia saisirent Kyra par les bras et l’écartèrent du lycan meurtri. Il pleurait des larmes de sang en abondance quand il parvint à gémir d’un souffle sans voix :

_Elle est morte, c'est mort, Il l’a tuée, Il me l’a tuée… Mon âme est morte, Il l’a tuée… (Micah se releva d’un bond pour mieux se jeter aux pieds de Kyra). C’est vide, tout vide à l’intérieur. Il faut que je Le retrouve, je dois venger le meurtre de mon loup ! Prends-moi avec toi, je te servirai, je t’en supplie ! Il doit payer pour ce qu’Il m’a fait. L’Animato ne doit pas sortir de sa prison… Non il ne faut pas, il ne faut pas… ‘Faut pas.

Etait-ce réellement l’Animato qui lui était apparu à travers les traits de Micah ? Etait-ce vraiment lui, le démon pour qui les Déesses de pierre s’étaient sacrifiées afin de préserver les fondations de sa prison des eaux déchaînées d’Ekarys ?


Maitre toki savait que oui. Il avait formé et entraîné sa fille toute sa vie dans l’optique où l’Animato referait surface, car c’était inéluctable. Il avait quinze ans lorsque sa mère est morte sous ses yeux. L’état de transe de sa fille –qu’il avait tenté en vain de provoquer via ses illusions- révélait que les Déesses avaient confié en elle les clefs de la prison Kaminoi. C’était alors à lui de veiller à ce que Kyra ne connaisse pas le même sort funeste que sa grand-mère.
Peut-être était-ce là le destin de Kyra que de suivre les traces de Taki. Après tout, Sarie n’aurait jamais dû mettre Kyra au monde. Les fantômes ne sont pas supposés pouvoir donner la vie…
Mais Kyra se fichait royalement de toute cette pression qui pesait sur ses épaules. Enfin, pas vraiment, mais chaque choses en son temps ! Le peuple n’eut besoin d’aucun combat supplémentaire pour être convaincu de laisser le nouveau Kaminoi entre les mains de l’adolescente. Morgane, Teia et Micah étaient devenus ses meilleurs commandants, tous trois motivés par différentes aspirations. Le pouvoir, l’honneur, la vengeance.

Micah révéla l’identité de son employeur. L’ancien précepteur littéraire déchu avait commandité ses services afin de faire perdre à Kyra sa série de duels, et ainsi donc tout le crédit pour accéder aux hautes fonctions du royaume. C’est ainsi que l’adolescente apprit comment l’Animato parvint à reproduire les méthodes du poète.

Kyra avait cependant bien plus important en tête que l’hypothétique réveil d’un démon uniquement connu des légendes du royaume. Elle avait sa propre vie à mener sur Tecil, une réputation à préserver, un précepteur à faire arrêter et un père à rassurer ! L’Animato pouvait bien attendre encore un peu.

Au moins jusqu’à ses quinze ans, d’accord?






Fin
de l'innocence...

L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Prom_n10

Informations légales :
(parce que ça m’éclate)

Début d’écriture : Samedi 28 Mars 2009
Première parution : Dim 8 Novembre 2009
Dernière parution : Dimanche 14 Février 2010


Pour un total de 21 épisodes diffusés à intervalles réguliers de 1 puis 2 épisodes par semaine.
Une vraie petite série RP donc !


Un grand merci aux lecteurs de passage ou assidus.
Merci à Alaena pour son accord de faire apparaître son personnage et de ses boost réguliers pour commencer à publier le RP quand l’écriture restait en stand by.

Certains épisodes ayant nécessité quelques recherches sur la psychologie des pédophiles étaient difficiles à écrire émotionnellement, mais j’espère que cette histoire vous aura fait voyager et que vous aurez apprécié de connaître plus en détail le personnage de Kyra.
A bientôt pour de nouvelles aventures.

Bisous !
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty
MessageSujet: Re: L'innocente... Ne le restera plus longtemps.   L'innocente... Ne le restera plus longtemps. Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
L'innocente... Ne le restera plus longtemps.
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
 :: Chambre secrète :: Grimoire-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser