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 Silence

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Lisèn la Pure
Bananomètre Neurologique "Parfait"
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Lisèn la Pure


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MessageSujet: Le silence   Silence EmptyJeu 28 Jan - 2:58

Notes à lire avant :
Spoiler:


Ca faisait deux nuits. Deux nuit, passées sous la pluie, de la boue jusqu’au ventre, et la faim jusque dans le cœur. Garen s’écroula sous un rocher, attirant sa protégée sous sa cape. Cette forêt allait finir par avoir sa peau. Il n’était pas un de ces chevaliers arborant une épaisse armure. Il émit un sifflement ironique : avec une armure pareille, il serait déjà en train de visiter les fonds d’un marécage. Un arbre craqua, le jeune homme sursauta, réveillant sa blessure. Il porta une main à son estomac. Il avait été salement atteint. Quelle sale mission…

Garen n’était pas de ces hommes qui partent affronter des armées à eux seuls. Il appartenait à la nuit, on lui confiait des missions plus délicates. Comme celle-ci. Nerveusement, il s’assura que sa protégée était bien couverte, à l’abri de la pluie, et il resserra sa prise sur le pommeau de son épée. Il préférait son arc, mais là, blessé comme il l’était, jamais il ne réussirait à le tendre. Et cette pluie, qui n’en finissait pas, et qui s’infiltrait partout… Sa mission était un échec. Rien ne l’avait préparé à ce qu’il avait rencontré.

Au début, on l’avait embauché pour un simple contrat de routine. Son client, anonyme bien entendu, comme l’étaient tous les aristocrates s’imaginant qu’ils ne pouvaient pas être reconnus par l’as des informations qu’il était, désirait qu’il s’introduise dans le château d’un de ses voisins, le Duc de B******* et qu’il lui en rapporte son trésor le plus précieux. De la routine, quoi.

Garen se fichait en général de l’objet du contrat, tant que des espèces sonnantes et trébuchantes en étaient la récompense. Mais même un « spécialiste », comme il aimait à se qualifier, possède une morale. Ainsi, lorsqu’il avait trouvé cette petite fille derrière la porte du coffre, il en était resté pétrifié. Elle était enchaînée, un énorme collier de fer emprisonnant sa bouche, et était à peine couverte par des linges sales. Elle lui avait rendu son regard, tranquillement. Un regard immense, mélancolique, empli de tristesse, mais dépourvu de peur. Un regard résigné. Derrière eux, les soldats commençaient à enfoncer la porte. Garen était pragmatique, il savait qu’il ne pouvait s’encombrer d’une fillette. Mais il n’avait pu se résoudre à l’abandonner. La sortie du donjon avait été un véritable enfer, c’était un miracle qu’ils aient réussi. Enfin, il était blessé. Mais en vie.

La gamine remua près de lui. Sous la lune argentée, il pouvait distinguer les jolis reflets de nacre qui nimbaient ses cheveux clairs. A force de passer du temps avec elle, il avait fini par se rendre compte qu’elle était plus âgée qu’elle ne le paraissait. Quinze, seize ans peut-être. Mais elle était très petite, et très fine, presque gracile. Et surtout, elle était muette. Il ignorait même son nom. Il avait essayé de communiquer avec elle, mais si elle paraissait le comprendre, elle ne répondait pas. Garen soupira. Pour le moment, son plus gros problème était de sortir vivant de cette forêt, et de ramener l’enfant avec lui. Remuant ces pensées, il s’enfonça progressivement dans un semi sommeil.

Il s’éveilla après quelques minutes lui sembla-t-il. Sauf que le jour se levait, et que la pluie avait cessé, laissant place à une brume morne et compacte. Il se sentait faible, sa douleur au ventre se faisait lancinante. Près de lui, sa petite compagne s’était redressée, semblable à une nymphe des bois. Elle fixait un point dans la brume. Il suivit son regard. Une silhouette immense, sombre. Des grognements. Son sang se glaça. Un troll les avait trouvés. Son premier réflexe fut d’attraper son épée. Mais ses forces le trahirent. Il ne pouvait pas bouger. L’épuisement avait gagné.

Près de lui, l’enfant restait calme, imperturbable, fixant le monstre. Celui s’approcha, de son pas lourd et massif. Garen essayait vainement de lutter contre la douleur, contre la fièvre, contre cette mort qui approchait. Il voulait lui hurler de fuir, de ne pas rester près de lui, de courir se réfugier ailleurs. Mais il restait cois. Comme un cauchemar au rythme ralenti, il vit le monstre levait un membre, prêt à s’abattre sur la petite fée fragile… Et elle ouvrit la bouche. A travers les brumes qui les environnaient, et ses propres embrumes fiévreuses, Garen sentit son cœur bondir. Une note unique. Intense. Pure. Il sombra dans l’inconscience, vaincu par son corps.

Il revint à lui. La nuit était tombée de nouveau. L’enfant était là, elle avait ramassé du bois et allumé un feu. Il lutta un instant contre l’illogisme de voir du bois mouillé flamber, mais ce qui le stupéfia le plus, ce fut son absence de douleur. Baissant les yeux vers son ventre, il s’aperçut qu’il était torse nu, allongé sur sa cape, et qu’un cataplasme de plantes enduisaient sa plaie. La fille le regardait, toujours de son regard calme, assise de l’autre côté du feu. Il se redressa lentement, sans la perdre des yeux.
« Bon sang… murmura-t-il. Mais qui es-tu ? ».

~~~~~~~~~~~~

Leur voyage s’améliora sensiblement, en cela que la pluie s’était arrêtée, et qu’il pouvait avancer beaucoup plus vite sans la douleur. D’après des calculs approximatifs, il leur faudrait environ une dizaine de jours encore pour quitter cette forêt. A mesure qu’ils progressaient, il observait sa compagne du coin de l’œil. Elle semblait un peu plus heureuse que lorsqu’il l’avait trouvée. Un soir, alors qu’une luciole vint se nicher sur ses doigts, il était persuadé d’avoir entraperçu un éclair de joie au milieu de la douceur mélancolique qui habitait ses yeux. La jeune muette restait toujours aussi silencieuse. Il finissait par se demander si l’épisode du troll n’était pas un effet secondaire de la fièvre. Mais certains détails restaient étranges. Cette enfant semblait être à l’aise dans cette forêt hostile, et reprendre des forces, malgré les maigres racines et baies sauvages dont ils se nourrissaient. Elle connaissait toutes les plantes et les herbes, confectionnait chaque soir un cataplasme pour son ventre. Alors que lui luttait et s’enlisait contre les ronces et les mauvaises racines, elle avançait d’un pas léger, presque comme si la forêt s’écartait sur son passage. De plus, le troll n’était pas un monstre isolé de l’endroit ; ils auraient dû essuyer beaucoup plus d’attaques, et pourtant, leur voyage resta paisible.

Au soir du cinquième jour, alors qu’ils s’arrêtaient pour la nuit, une trouée dans la frondaison des arbres leur permit d’observer les étoiles. L’enfant avait été agitée toute la journée, presque tendue, impatiente. Lorsqu’elle aperçut les premières lueurs nocturnes, elle se leva, tremblante, le regard brillant. Garen l’observait en silence, patient. Elle se tournait vers lui de temps à autre, puis revenait à sa contemplation. Soudain, elle se figea. Il admira la finesse de l’image, elle lui évoquait une biche prête à bondir, prête à échapper à toute emprise. Le souffle court, l’enfant se tourna à nouveau vers lui. Son regard le troubla intensément. Il semblait s’être paré d’une profondeur mystique et envoûtante. Elle lui adressa un sourire, empreint de douceur et de mélancolie. Debout, là, dans sa robe sale, avec ses longs cheveux emmêlés et les traces des mauvais traitements passés, elle était pourtant plus belle et plus pure que n’importe quel être vivant. Elle le regardait toujours. Elle exécuta alors le premier signe de communication avec lui depuis qu’il l’avait sortie de sa prison. Avec douceur et délicatesse, elle posa un index en travers de ses lèvres, lui faisant signe de se taire.

A écouter en lisant la suite...

Puis, elle ferma les yeux, inspirant lentement. Lorsqu’elle expira, elle laissa une note sourde s’échapper de ses lèvres. Elle la laissa filer hors d’elle, flottant légèrement autour d’eux, les nimbant de sa pureté. Puis, elle ajouta une autre note. Et encore une. Dans une langue étrange, ancienne, qui le faisait frissonner jusqu’au creux des os, elle entama une longue mélopée. Il était figé dans la contemplation de ce corps minuscule, d’où s’échappait cette voix, si pure, si intense. Elle éleva lentement son chant, invitant toute la forêt, chantant la beauté sauvage du lieu. Garen était suspendu à ce chant. Il en ressentait l’âme, et tout autour vibrait d’un même pouls.

La jeune fille continua, le visage empreint de joie et d’espoir, tendant les bras devant elle, comme une danseuse. Des lucioles vinrent jouer autour d’elle, la nimbant d’une lueur féérique. Ce chant mélodieux évoquait la forêt et la nuit. Il évoquait une source qui court entre les racines, il évoquait la senteur des fleurs parfumées, il évoquait le souffle tout entier de la vie. Des lianes s’élancèrent des arbres les plus proches, croissant autour de la jeune fille, dressant une arche de fleurs blanches. Et elle chantait, chantait, emportée par cette mélopée mystique et fascinante, exprimant la vie et l’espoir.

Garen, appuyé contre un tronc d’arbre, sentait le rythme de la chanson se diffuser, telle une prière, et se répandre dans la forêt toute entière. Devant lui se passait quelque chose qu’il ne comprenait pas, et qui relevait d’une magie ancienne et puissante. Avec un frisson d’extase, il réalisa qu’il avait le privilège d’entendre le premier chant du monde. Il ferma les yeux, se laissant emporter.
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