Le doute d'un royaume

Le peuple d'Ayesha, peuple homonyme de la déesse considérée par tous ses croyants comme la bienfaitrice qui les a mené vers cette richesse économique sans précédent.
Cela pouvait s'expliquer assez facilement, l'or n'est pas quelque chose convoité ou du moins pas tel que le veulent les autres peuples. Cette richesse n'est qu'un confort supplémentaire et la plupart des personnes gardent suffisamment pour vivre aisément tout en se permettant de donner quelques ressources au palais de Yucia, la grande prêtresse. Cela est une sorte d'impôt volontaire.
Les maisons sont cependant bien décorées et les signes de richesse ne sont pas cachés. Ceci est une volonté de la prêtresse, elle veut montrer à la déesse à quel point son peuple vit bien. Ainsi tout est pensé à l'avantage du peuple de croyants, si bien que tout l'or qui lui est apporté est destiné à améliorer les conditions de vie déjà élevés des habitants.

Ce royaume comportait un mode de vie assez atypique portée sur la volonté des habitants ainsi que de sers dirigeant à améliorer ce monde dans lequel ils vivent et ce en priant la dame de fer.

Cependant, un fait nouveau et pour le moins incompréhensible se produisit, ce peuple pour le moins pacifique se retrouva avec une hausse de l'insécurité. C'était justement le thème de la réunion qu'avait organisé Yucia.

« Ouverture de la réunion sur le problème de l'insécurité, quelle est la situation en ville ? Avait demandé la voix douce et claire de Yucia.

- La situation n'est pas réjouissante, les citoyens sont mécontents et commencent à lancer la nourriture sur nos murs, répondit un homme assez âgé, un des conseillers qui avait été convié à cette réunion. »

Dans la pièce se tenaient autour d'une table massive Yucia, la jeune prêtresse d'à peine vingt cinq ans. Jeune femme aux cheveux blonds respectant une coupe au carré se dirigeant vers l'avant selon un dégradé subtile. A ses côtés se tenaient ses deux amis,Trédë et Rhirevia, qui l'aidait à gouverner. Etant les fondatrices de cet empire ce fut tout naturellement qu'elles furent nommées impératrices. En face on pouvait voir cinq conseillers avec ou non de la barbe mais tous trahissaient un âge certain. Ils avaient chacun leur spécialité et avaient été nommés récemment, suite au développement exponentiel de ce royaume.
Yucia avait trouvé cela très étrange le regain d'intérêt que tout ce monde avait eut le royaume d'Ayesha et surtout que cela coïncidait à la perfection avec leur forte montée économique, mais après tout cela était bien utile à son peuple.

« Il nous faut former une armée ! Cela calmerait les esprits rebelles ! Avait répondu fortement un conseiller.

- Je refuse cette idée, avait dit clairement Yucia. Vous connaissez tous mes engagements de non violence et puis nous avons déjà bien assez de paladins pour défendre notre contrée.

- C'est pourtant selon moi la seule chose à faire, il faut savoir montrer son autorité lorsque l'on est au pouvoir. Et cela empêcherait les affronts que nous font le peuple en ce moment même.

- La violence ne résout pas les problèmes, il faut trouver une autre solution, avait répondu Yucia derechef.

- On peut trouver les personnes à l'origine de ce mouvement, répondit la voix froide de Rhirevia.»

Rhirevia est une femme ayant un visage sérieux encadré par des cheveux mi-longs assez fins, atteignant ses épaules. Souvent son ton assez froid donne l'impression qu'elle est désagréable, ou bien qu'elle agresse par ses propos mais c'est tout simplement sa façon de parler. Toute personne la connaissant personnellement sait qu'elle ne montre que très peu (ou trop peu comme le dit souvent Yucia) ses émotions et donc de ce fait le son de sa voix reste monocorde et ancré dans cette froideur.

« Et qu'est-ce que cela nous apportera ? Demanda prestement un autre sage. Les villageois ne vont pas s'arrêter pour si peu.

- Bien au contraire, rétorqua Rhirevia, selon moi si nous pouvons déterminer si oui ou non ces personnes viennent d'un autre royaume que le notre alors nous pourrons arrêter les événements qui se déroulent en ce moment. En effet si tel est le cas, et que ces personnes qui sèment le trouble dans la société, car il ne faut pas se leurrer il y a eu des personnes qui ont lancé ce mouvement. Le peuple ne s'est pas lancé comme cela alors que tout allais bien il y a encore quelques semaines. Et bien si tel est le cas, comme je le disais, le peuple ne pourra que se calmer devant l'évidence, ces personnes étrangères ne veulent que le mal d'Ayesha. »

Suite à cas mots un silence pesant s'installa, Rhirevia avait l'accent sur un problème jusqu'alors inimaginable. Des espions avaient surement étés envoyés afin de semer le trouble dans le royaume de la dame de fer, mais dans quel but ?
Après ces quelques secondes de pause Yucia repris la conversation là où elle avait été arrêtée :

« Cette idée me semble pour le moment la plus raisonnable et la plus en accord avec les principes de notre communauté. Je te laisse organiser tout cela Rhirevia, tu es la plus à même de mener à bien cette mission.

- Mais bien sûr, je ne comptais pas laisser cette mission pour quelqu'un d'autre. »

La discussion continua ainsi, abordant divers sujets ayant pour unique but ultime : le bien du peuple et du royaume. Lorsque tout ceci fut fini tout le monde sortit sauf Trédë. Elle était restée à sa place et alors que Yucia allait emprunter la sortie, elle engagea une nouvelle conversation de sa douce voix. Cette voix était en parfait harmonie avec son physique gracieux, comprenant des cheveux longs, bruns et bouclés qui ondulaient tel une plume dans le vent. Ceux ci en parfait accord avec sa peau légèrement bronzé (ce qui contrastait réellement avec la peau blanche de la prêtresse) :

« Tu vas au moins y réfléchir ?

- A quoi ? Demanda naïvement Yucia.

- A former une véritable armée pour nous défendre bien entendu.

- Tu sais très bien que ce n'est pas dans la volonté d'Ayesha que de prôner la violence.

- Ayesha prône la paix, mais en aucun cas elle ne nous interdit de former une véritable armée pour se défendre, ta volonté de non violence ne vient que de tes convictions personnelles.

- Je préfère de ce cas me fier à mes convictions, que cela te plaise ou non. (Yucia avait tourné le dos à son amie et était prête à partir quand elle fut interrompu).

- Réfléchis-y au moins. Je partage ton voeux de non violence, mais ce monde ne nous laisse pas le choix. Pense-y et pense au bien du peuple et non à ta tranquillité d'esprit. »

Yucia s'en alla la tête basse, en proie à de violentes réflexions. Elle venait de prendre des arguments droit dans la figure.. penser à son peuple et non à elle même... elle ne se croyait pas aussi égoïste pourtant.

Cette marche lui avait semblé tellement longue, interminable face à toutes ces personnes dans les couloirs du palais. Elle devait ne rien montrer mais plus elle avançait et plus les personnes étaient nombreuses; elle avait l'horrible impression d'être observée. Elle se sentait épiée, le moindre de ses mouvements devait être surveillé et analysé. Du moins c'était la vision qu'elle avait de son trajet.
Après cette longue et douloureuse expérience elle finit par atteindre l'endroit qui lui permettrait de relâcher toutes ses émotions sans se soucier du monde environnant : le toit du palais.

Le ciel était sombre et un vent froid soufflait à vive allure; on aurait dit que le temps était en osmose avec ses émotions actuels. Elle savait parfaitement où aller une fois sur le toit, ainsi elle s'assit sur un banc qui se trouvait sous un abri construit à la demande de la prêtresse.
Elle avait l'habitude d'y aller pour se reposer. D'ici, elle pouvait voir pratiquement toute la ville. Cela la détendait de regarder cet horizon qu'elle appréciait tant, la ville qu'elle essayait d'améliorer au maximum. La ville qu'elle pourrait protéger au prix de sa vie, mais aujourd'hui la vision de cette ville ne fit qu'amplifier son état. Les larmes qui jusqu'alors ne faisaient que se dessiner dans ses yeux commencèrent à ruisseler sur son pâle visage.
Heureusement qu'elle était seule parce qu'elle ne voulait absolument pas qu'on la voit ainsi, c'était pour le moins pitoyable. Elle était assise, les mains tentant d'arrêter les larmes qui ne cessaient de s'amplifier, les traits défigurés par la tristesse.
Elle ne cessait de réfléchir et à repenser à ce qu'avait dit son amie.

* Tu n'as pas l'air en forme aujourd'hui, * résonna une voix dans la tête de Yucia.

Elle fit un bond sur elle même et tenta d'essuyer brièvement son visage avant de chercher l'origine de ces paroles. Elle n'eut pas à scruter longtemps l'horizon avant de voir qui lui avait parlé, c'était en fait son dragon Arekh. Il venait de se poser face à elle, droit, sa couleur turquoise ressortant dans cette univers sombre.

« Je n'ai pas très envie de parler aujourd'hui Arekh, répondit Yucia sans se soucier de contenir son agacement. »

* Mais je pense que parler est justement la meilleure chose à faire. *

« Toi parle si tu veux mais je n'en ai pas envie, répondit sèchement la prêtresse tout en se retournant. »

* Tu compte donc bouder seule dans ton coin. *

En guise de réponse la jeune femme soupira et repartie dans ses pensées. Comment pouvait-elle être considérée comme égoïste ? Pour le bien de son peuple elle prônait la non violence et c'était ce qu'on lui reprochait. Qui plus est dans le but de mener une politique de répression. Ça elle ne pouvait le tolérer. Il n'y avait pas que ses principes en jeu, il y avait le bien de son peuple et un règne militaire n'allait rien apporter de bien.

* Je comprends ce que tu ressens mais je pense que ton amie ne pensais pas comme les conseillers lorsqu'elle t'a proposé d'augmenter ton armée *

« Mais... comment sais tu tout ça toi ? Demanda Yucia ébahit. »

* Je ne te l'avais pas encore dit ? Je peux lire dans tes pensées, depuis notre rencontre nous sommes liés. *

« Quoi ? Mais arrête ça tout de suite, tu viole mon intimité ! »
* Ce n'est pas un pouvoir que je contrôle, je dirais que ce sont tes pensées qui viennent à moi, tu peux toi aussi entendre les miennes. *

Oubliant presque sa stupeur, elle se décida à tenter de capter les pensées du dragon. Elle ferma les yeux et se concentra...
Rien, elle ne sentait rien si ce n'est ses propres idées qui prenaient une telle place dans sa tête.

* Fais le vide dans ta tête si tu veux m'entendre, il ne faut pas de parasites. *

Et c'est ce qu'elle essaya. Évidemment c'était une chose plus facile à dire qu'à faire mais elle conserva ses yeux clos et ne pensa à rien. Du moins elle se concentra sur de nouvelles choses, autres que ses problèmes actuels. Elle respirait plus lentement et travaillait à calmer ses expirations qui ne cessaient de s'accélérer si elle ne faisait rien. Elle sentit son coeur battre, il ralentissait peu à peu jusqu'à recouvrer un rythme serein. Le fait de se focaliser là dessus libéra considérablement son cerveau et elle sentit une nouvelle sensation pour le moins indescriptible.
Elle se voyait, mais comment cela était il possible ? Elle se voyait à travers les yeux d'un autre, elle était assis sur le banc et ne bougeait plus, tête basse. Elle sentait aussi quelque chose d'autre, une envie. Une envie étrange, une sorte d'impuissance mélangé avec une irrésistible envie d'aider. Il était impossible de lutter, il fallait aider cette femme qui se tenait là assise.

« Je comprends, fit elle pour elle même en un souffle, presque pour elle même. »

Elle ne savait plus trop comment réagir face à Arekh, après avoir eut un état de choc elle se rendait compte qu'elle ne lui en voulait pas de ne pas lui avoir révélé ce lien qui les unissait plus tôt. De plus elle se rendait compte à présent qu'elle était calmée, le fait de passer dans tous ces états avait eut le mérite de lui changer les idées.
Maintenant qu'elle avait l'esprit serein elle se dit que la meilleure solution afin de savoir ce qu'elle devait faire était de s'en remettre à Ayesha. Elle devait savoir ce qui était le mieux pour son peuple, jamais elle ne l'avait laissé tombé. Ainsi elle commença sa prière afin d'entrer en contact avec la divinité.

« Ayesha, grande dame de fer qui nous a toujours guidé de meilleurs chemins. Mère de cette terre qui nous a accueilli, j'en appelle à ton infinie sagesse. Montre moi ce que je dois faire, quelque soit tes plans je les exécuterais pour le bien de tes enfants... (après quelque secondes de pause où elle se tenait droite sur son banc, les mains croisés sur son buste, elle repris ) S'il te plais, je te demande humblement de m'accorder un peu de ton temps. Fais moi signe... »

La réponse fut rapide, tellement rapide que Yucia en sursauta. La porte qui menait au toit venait de s'ouvrir avec fracas et un jeune homme, un de ses messagers, s'empressa de lui délivrer son message l'air affolé :

« Grande prêtresse, nous avons découvert qu'une armée était en direction de notre ville. Leurs intentions ne sont certainement pas pacifiques ! »